La Russie de Poutine inquiète à l'heure de la crise ukrainienne. Comprendre l'évolution de la société russe est indispensable pour mieux discerner les enjeux stratégiques. De fait, la perception de la chute de l'URSS reste centrale avec une approche très différente pour les Russes qui retrouvent désormais une fierté avec le retour de la « nouvelle Russie ».
Repenser les relations avec la Russie (1/2)
Rethinking relations with Russia(1/2)
Putin’s Russia is worrisome at the hour of the Ukrainian crisis. Understanding the evolution of Russian society is indispensable in order to better perceive these strategic challenges. In fact, comprehension of the fall of the USSR remains central, with a very different approach for the Russians who are now rediscovering their pride with the revival of “New Russia.”
La confrontation actuelle entre la Russie et l’Occident au sujet de l’Ukraine entraîne des changements sérieux de la donne géostratégique sur le continent euroasiatique. D’une part, l’Ukraine devient pour longtemps une « ligne de force » ou une « zone de turbulences » qui, dans le pire des scénarios possibles, pourrait provoquer un conflit militaire direct entre les deux acteurs avec les conséquences néfastes pour tous. D’autre part, cette confrontation pousse la Russie vers une alliance avec la Chine, dirigée essentiellement contre les États-Unis, mais aussi dans une certaine mesure contre l’Union européenne. Certes, la Chine qui grosso modo suit une ligne prudente dans les affaires extérieures et qui, dans le contexte actuel, tire son épingle du jeu, n’est guère pressée de conclure une alliance formelle. La Russie, de son côté, garde toujours ses craintes à l’égard de son voisin asiatique concernant l’avenir de son Extrême-Orient, car la puissance économique et militaire de la Chine ne cesse de croître. Les intérêts de deux puissances se contredisent en Asie centrale, même si en apparence la Chine tâche d’éviter une confrontation directe. Mais cela ne l’empêche pas de pénétrer de plus en plus profondément dans les économies de ces pays que la Russie voit dans l’Union euroasiatique en cours de construction.
En dépit de tout cela, le rapprochement entre les deux pays s’accélère et prend une nouvelle dimension stratégique et géopolitique. Un nouveau pas a été franchi dans cette voie en mai dernier avec la conclusion d’un gigantesque marché sur la fourniture du gaz russe en Chine, négocié durant plus de quinze ans, qui prévoit la construction vers 2018 d’un gazoduc très coûteux. Le Kremlin s’est empressé d’assurer que ce marché était « mutuellement avantageux », mais il y a tout lieu à penser que la partie russe a dû faire des concessions importantes dont une encore plus significative a été faite en juillet dernier. Le chef de l’administration du président de la Russie Sergueï Ivanov, en visite en Chine, a déclaré que la Russie « n’excluait pas » de livrer à la Chine les armements les plus modernes, dont les systèmes de défense aérienne S-400 très perfectionnés qui n’ont jamais été exportés jusque-là.
La Russie vient de lancer un projet également très coûteux de la reconstruction de la ligne de chemin de fer « Baïkal-Amour » (plus de 4 500 kilomètres de longueur) qui est censé donner une nouvelle impulsion au développement économique de la Sibérie orientale et de l’Extrême-Orient russes, mais qui devrait aussi faciliter les exportations des ressources naturelles russes vers la Chine.
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