La propulsion hypersonique constitue une avancée décisive comme outil de la surprise stratégique. À l'instar des États-Unis, leader incontesté, la France pourrait développer une capacité de dimension straté-gique utilisable face aux menaces proliférantes.
La France, leader européen pour la création d'une force aérospatiale stratégique hypersonique ?
France, European Leader in the Creation of a Hypersonic Aerospace Strategy?
Hypersonic propulsion constitutes a decisive advance as a tool for strategic surprise. Following the example of the United States, the incontestable leader, France could develop a strategic capacity to be used in the face of proliferation threats.
Le futur stratégique se prépare toujours au présent même si, comme disait le général de Gaulle, « l’action de guerre est toujours contingente (…) qu’elle se présente toujours d’une manière imprévue, qu’elle est infiniment variable, qu’elle n’a jamais de précédent ». Or, ce futur stratégique est toujours impulsé par une nation « leader », aujourd’hui les États-Unis, qui investit et dans la pensée innovante et dans la recherche des techniques de demain, les deux éléments s’articulant dynamiquement pour créer la surprise stratégique. Il en résulte de nombreux programmes de recherches, à l’instar des programmes aérospatiaux hypersoniques, parfois tellement secrets, qu’ils n’existent pas budgétairement, tels les « black programs » (1). Il en découle aussi la production de nombreux documents de prospective géopolitique et de stratégie qui permettent d’entrevoir ce que seront les besoins de demain en particulier le Conventional Project Global Strike (CPGS) de 2001.
Le CPGS (2), c’est-à-dire le programme de « frappes stratégiques (mondiales) rapides » (cf. B. Gruselle) est présenté par les États-Unis comme une réflexion tactique. Pourtant, ce projet a pour objectif principal de pouvoir frapper partout dans le monde une cible en moins d’une heure avec une arme à charge conventionnelle ou inerte sachant qu’il ne doit pas être interdit que les systèmes soient armés de têtes nucléaires : le CPGS est donc une réflexion stratégique fondamentale modifiant l’équilibre des rapports de force à l’échelle mondiale. Si les Américains annoncent dans le cadre de ce programme vouloir abandonner l’arme nucléaire qu’ils considèrent comme inadaptée au regard des nouveaux risques, notamment le terrorisme transnational, ils poursuivent cependant une logique stratégique à plusieurs bandes dont la composante nucléaire reste un élément pivot (3) ne serait-ce que parce que l’hypothèse d’un conflit majeur face à une autre puissance nucléaire interdit toute renonciation au feu nucléaire. L’objectif du CPGS n’est réalisable que par la maîtrise de la vitesse hypersonique en milieu aérien haut, en stratosphère (4) ou par l’utilisation, sous la forme d’un continuum, de l’espace (la mésosphère en particulier), la combinaison des deux éléments étant de plus en plus prégnante.
Le CPGS suppose d’abord de dominer l’espace, car pour les États-Unis, c’est le moyen de maîtriser l’information en utilisant massivement les systèmes spatiaux de type ISR (Intelligence, Surveillance, Reconnaissance) en sus des autres fonctions (géolocalisation, etc.). Cette stratégie d’arsenalisation massive suppose l’accès permanent et rapide des forces américaines à l’espace, la liberté d’opérer dans l’espace et la capacité de remplacer à bref délai les systèmes qui seraient détruits par l’ennemi (5), enfin, la capacité d’interdire à d’autres l’utilisation de l’espace en neutralisant, en particulier électroniquement, leurs équipements spatiaux afin de créer une asymétrie stratégique. On passe là du Space Power ou puissance spatiale au Space Control, l’espace relevant de la sécurité nationale, c’est-à-dire le contrôle monopolistique de l’espace considéré comme zone de puissance exclusive. Ils développent pour ce faire, en particulier, un prototype très avancé de navette, le X37 B, capable d’atteindre l’espace à l’aide d’un lanceur de type Atlas 5 puis capable de rester en zone orbitale pendant des années (6) avant de revenir par lui-même sur Terre comme un avion. Réutilisable, cette navette prépositionnée doit assurer ainsi la permanence en vol au vu de missions qui peuvent être multiples : armé de brouilleurs électroniques ou d’un laser, le X37 B pourrait avoir vocation à neutraliser, voire détruire les satellites adverses ; emportant des minisatellites de remplacement, le X37 B aurait vocation à pallier rapidement toute rupture dans le système d’information et de commandement militaire.
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