Military thinking—The Strategy of Bluff (2nd part)
Pensée militaire - La stratégie du bluff (2e partie)
Une séquence de bluff nécessite souvent une judicieuse mise en scène pour berner un adversaire. Le parfait bluffeur doit donc posséder les qualités d’un bon comédien. L’aptitude à mettre en pratique cet art de flouer un ennemi sur le terrain a notamment été mise en relief par l’armée française pendant la guerre d’Algérie. C’est le Groupe de renseignement et d’exploitation (GRE), organisme secret chargé de la collecte du renseignement et de l’organisation des actions d’infiltration, qui a réalisé les ruses de guerre les plus marquantes. Dans ce chapitre digne d’un thriller de Gérard de Villiers, le coup de bluff de l’opération KLJ27 (1) reste un modèle du genre.
Déguisés en fellaghas, le capitaine Paul-Alain Léger (le patron du GRE) et quelques militaires français, accompagnés de supplétifs musulmans ralliés, se font passer pour une unité de l’ALN (Armée de libération nationale, la branche militaire du FLN, le Front de libération nationale) dans leur longue marche à travers le djebel pour rejoindre le PC de la wilaya III où se trouvent des membres de la rébellion. Muni de vrais faux ordres de mission du FLN, le commando français progresse sans difficulté majeure et passe facilement les barrages des choufs. À l’un des nombreux points de contrôle, un guetteur plus scrupuleux que les autres interpelle la colonne. L’un des musulmans « retournés » qui sert de traducteur aux Français lui rétorque en kabyle : « Nous sommes douze djounouds de la wilaya IV voisine et nous devons prendre contact avec le PC de la wilaya III avant de rejoindre la Tunisie ». Après avoir vérifié le vrai faux laissez-passer et surtout le tampon qui y figure, le factionnaire répond : « Le PC de la wilaya III est à une heure de marche dans la maison de Yayaoui Slimane aux Iril-Tolba. Que Dieu te protège, toi et les autres frères » (2).
Lorsque le groupe parvient finalement au site du PC rebelle, il est accueilli par les guérilleros qui souhaitent la bienvenue aux nouveaux arrivants. C’est alors que les militaires français ôtent le capuchon de leur djellaba et désarment les combattants de l’insurrection présents sur les lieux. Une heure plus tard, les parachutistes du 1er RCP, prévenus de la présence de « gros poissons » dans la mechta kabyle, déboulent avec deux hélicoptères sur la position. L’arrestation des membres de l’ALN et la fouille du poste permettent de récupérer des documents précieux, des armes et des munitions. La confiance envers les musulmans ralliés, l’utilisation subtile de leur connaissance du terrain et de leur savoir-faire spécifique pour ce genre de situation, ainsi que l’audace et la très bonne condition physique du commando, ont permis le succès de ce magistral coup de bluff.
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