L’été 1944 - Le sacrifice des Normands
Fallait-il, aux 200 000 soldats alliés hors de combat du 6 juin au 30 août 1944 à l’occasion du débarquement en Normandie, ajouter près de 20 000 civils normands victimes des bombardements et de la lutte contre les occupants allemands dont l’effondrement escompté s’est fait attendre plus de trois mois ? Il semble que le libérateur connaissait mal la guerre et le théâtre d’opérations où il devait la mener, alors que l’occupant était aguerri et accrocheur, mais l’occupé, entre le marteau-pilon anglo-américain et les représailles allemandes, sut toutefois faire de suite le choix.
Avec ses qualités d’écrivain et son sens du vif de journaliste, M. Beaudufe nous fait partager les épreuves qui se sont abattues sur la Normandie à partir de la nuit du 5 au 6 juin jusqu’à ce que les Allemands en aient été entièrement chassés vers le 30 août. Grâce à des récits poignants de quelques rescapés des bombardements, on peut suivre la détresse de ces Normands heureux de voir enfin arriver les Alliés tout en essayant d’échapper aux bombes, aux éboulements, mais aussi aux balles des Allemands dont la nervosité allait croissant sous la pression des troupes alliées et les consignes draconiennes de Hitler. Ainsi, un résistant en prison à Caen ne doit son salut qu’à une faute d’orthographe de son nom qui l’écarte de l’appel au peloton d’exécution. D’autres vont survivre grâce au refuge des carrières qui abriteront plusieurs centaines de civils de Caen, sans lumière, sans eau pendant plus d’un mois ; la ville elle-même sera assiégée pendant trente-trois jours.
Que pouvait donc faire au centre du choc des armées le préfet Cacaud pour ses populations ? Il a tout tenté, ordonné l’évacuation de la ville par les civils, réclamé qu’un périmètre de sauvetage avec l’hôpital Bon Sauveur soit épargné par les bombardements, il ne sera exaucé que pour la chapelle Sainte-Thérèse au carmel de Lisieux. Cherbourg ne sera libérée qu’à la fin juin et Le Havre début septembre, mais seront rayées de la carte plusieurs villes comme Saint-Lô, Coutances, Falaise, Villers-Bocage, Isigny. Les Alliés avaient estimé à trois semaines le délai nécessaire pour régler le problème de la Normandie ; celle-ci n’a été totalement libérée qu’après trois mois de durs combats auxquels très heureusement n’ont pas participé douze divisions allemandes retenues à la hauteur de Dieppe sur ordre exprès de Hitler.
Ce terrible tribut payé pour la libération de la France et décrit avec tant de réalisme et de pudeur par M. Beaudufe, les Normands l’ont accepté avec courage et fatalisme. Leurs enfants, en assistant aux fêtes du cinquantenaire du débarquement, n’ont probablement pas mesuré l’étendue de leur sacrifice. Remercions l’auteur d’avoir su nous le rappeler. ♦