Le Japon 1994
Il faut saluer l’exploit des Éditions L’Harmattan d’avoir publié en mars un livre de 650 pages dont la rédaction a été achevée à la mi-janvier. Cette édition entièrement refondue d’un ouvrage désormais annuel représente un fabuleux travail collectif et anonyme de la part des services de l’ambassade de France et de la Maison franco-japonaise de Tokyo. C’est pourquoi il est fort dommage qu’on ne l’aborde qu’avec une certaine irritation. Le titre veut faire croire que l’on va trouver dans cet ouvrage les informations et chiffres de l’année 1994. Or, en arrêtant la rédaction d’un annuaire dans les tout premiers jours d’une année, alors que les bilans économiques de la précédente ne sont pas encore connus, cela veut dire que les chiffres fournis dateront de deux ans. Ainsi la première page de l’introduction, intitulée « Le Japon en bref », commence-t-elle par un tableau de statistiques dont une seule concerne l’ensemble de 1993, deux sont indiquées comme de la fin de 1993 et les douze autres sont les chiffres de 1992. Il en est de même dans le corps de l’ouvrage. Il aurait été plus judicieux d’attendre des statistiques de l’an dernier et de publier en mai ou juin un « Japon 1993 » dont le contenu aurait été conforme au titre. À la décharge de ses auteurs, il faut dire qu’il existe une véritable fuite en avant des éditeurs d’annuaires, particulièrement en Asie : ainsi, le classique Asia Yearbook 1994 a-t-il été mis en vente en octobre 1993.
Cela dit, cet ouvrage donne un véritable état du Japon. Le premier chapitre, consacré aux événements de 1993, n’est pas une simple chronologie mais une succession d’analyses sur la vie politique, la politique extérieure, l’économie et les arts. Le chapitre sur l’État, outre la description du système représentatif et de l’organisation des pouvoirs publics, contient un très intéressant paragraphe sur l’empereur et le débat sur l’institution impériale. Plus classique, le chapitre consacré à la société aborde plusieurs thèmes : la vie des Japonais (la jeunesse, l’éducation, le mariage, la famille, la mort…), les conditions de vie (travail, revenus, logement…), la liberté au quotidien (les modes de vie, les loisirs…), les questions de société (la condition féminine, les droits de l’homme, la protection sociale, les minorités ethniques, le crime organisé…), la culture. C’est la partie la plus volumineuse (203 pages). Par une série d’articles courts et clairs, complétés de références bibliographiques pour qui veut en savoir plus, il est vraiment possible de découvrir ces Japonais si mal connus en France. La partie sur les questions de société est la plus intéressante. Celle sur la culture est un peu faible ; en 50 pages seulement sont traités l’histoire, les mentalités, les religions, la littérature, le théâtre, le cinéma, la musique… on reste un peu sur sa faim.
On ne peut évoquer le Japon sans s’étendre longuement sur l’économie ; le chapitre qui lui est consacré est fort intéressant. Y sont étudiés la puissance japonaise, les acteurs économiques et sociaux, l’organisation financière et les structures. Les relations extérieures sont également bien traitées avec un exposé général sur la politique étrangère, puis une série d’études sur les relations nippo-américaines, l’Europe, l’Asie et le monde en développement. Les relations avec la France sont bien abordées par une analyse particulière au sein de l’Europe et par des tableaux en annexe. Celles avec la Chine auraient mérité un plus long développement. Les tableaux du commerce extérieur (1992) ne sont donnés que par grands ensembles géographiques. Il manque un tableau par pays, ne serait-ce que pour les vingt partenaires principaux.
L’auteur de l’avant-propos, qui signe symboliquement du nom de Sisyphe, affirme que « Le Japon 1994 fait le point de manière exhaustive sur les grands problèmes, les secteurs importants et les acteurs essentiels de la société japonaise. » L’ampleur des sujets abordés, même dans un ouvrage aussi volumineux, ne permet guère une telle assertion. La sécurité et la défense ne sont pratiquement pas traitées, ces deux mots étant d’ailleurs absents de l’index ! Le sujet n’est que brièvement évoqué dans la rétrospective 1993, dans un paragraphe consacré au maintien de la paix ou dans des chapitres sur les relations extérieures, notamment la partie consacrée à l’alliance politique et militaire avec les États-Unis. Seul un tableau en annexe donne quelques chiffres sur la défense, mais on ne trouve aucune analyse. Ces réserves faites, voilà un ouvrage fort utile qui se lit facilement. Espérons que l’édition 1995 fera plus de place aux sujets traités un peu rapidement au détriment de ceux à caractère permanent sur lesquels nous sommes maintenant bien informés par les éditions précédentes. ♦