Depuis la chute du mur de Berlin, la France a vu son engagement militaire s'accroître avec de nombreuses interventions répondant à des objectifs politiques ambitieux, alors même que les moyens de sa défense n'ont cessé de diminuer drastiquement au risque de remettre en cause la place de la France.
Préambule - Diplomatie et outil militaire - L’aggiornamento 1992-2015
Foreword–Diplomacy and the Military Tool
Since the fall of the Berlin Wall, France has seen her military engagements increase with numerous interventions responding to ambitious political objectives, even though the means of her defense have not ceased to diminish drastically, at the risk of questioning France’s position.
En 1991, la France était arrivée à l’heure des choix : la chute du mur de Berlin le 9 novembre 1989, la dissolution du pacte de Varsovie le 1er juillet 1991 marquaient la fin d’une période des relations internationales, celle de la guerre froide, dans laquelle la France tout en étant clairement membre d’un des deux blocs avait trouvé sa voie pour manifester sa différence au sein de l’Alliance atlantique. Le choc suscité par le nouveau contexte international ne bouleverse pas dans l’immédiat l’outil militaire français, malgré les constats de carence observés lors de la guerre du Golfe (2 août 1990-24 février 1991) sauf sur certains points, sous l’impulsion du ministre Pierre Joxe (février 1991-mars 1993). Il en est tout autrement à partir du milieu des années 1990, car face à un environnement international bouleversé et fluctuant, l’aggiornamento est non seulement nécessaire mais permanent, d’autant plus que la priorité est désormais donnée à la projection et à l’engagement des troupes, malgré des moyens de plus en plus limités en raison de la contrainte budgétaire.
Un environnement bouleversé et fluctuant
Avec la chute de l’Union soviétique et la fin du monde bipolaire, on a cru voir advenir « la fin de l’histoire » et les États ont tôt fait de vouloir profiter des dividendes de la paix (la contraction des budgets de la défense entre 1993 et 1998 a été d’environ 14 % pour la France et le Royaume-Uni, de 16 % pour l’Allemagne, de 35 % pour l’Italie). Dans les années 1990, on voit d’abord se dessiner un monde unipolaire dominé par les États-Unis, avec des conflits ethniques, religieux, territoriaux qui, longtemps étouffés, éclatent, même en Europe (désintégration de la Yougoslavie, implosion de la Tchécoslovaquie, revendications identitaires en Europe centrale). Mais au fur et à mesure le monde devient multipolaire, et à la guerre froide se substitue une nouvelle conflictualité faite d’une succession de crises régionales, de guerres civiles entraînant des conflits interétatiques et des interventions militaires. Au cauchemar de l’apocalypse nucléaire et au rêve d’un monde pacifié, se substitue une instabilité généralisée : fragilité des constructions étatiques, ambition de certains États désireux d’acquérir des capacités nucléaires ou balistiques, menaces de fondamentalismes religieux, comme les groupes djihadistes qui rejettent les valeurs occidentales. Le réveil d’un Islam de combat prônant la guerre sainte renforce la thèse du choc des civilisations, tout en la contredisant en raison des antagonismes internes du monde arabo-musulman (entre sunnites et chiites, entre riches puissances pétrolières et États à la démographie galopante). Si les conflits majeurs ont disparu, on voit se multiplier des « petites guerres », des guerres asymétriques opposant des bandes armées, des groupes terroristes à des États, souvent incapables de faire face avec des moyens militaires classiques, sans parler de leur arsenal nucléaire. D’où la nécessité d’adapter l’outil militaire à ce contexte international.
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