Military history—The Fourth Republic's Strategic Indecision in Indo-China
Histoire militaire - Le non-choix stratégique de la IVe République en Indochine
Depuis le traité de Pau signé en 1950 entre Vincent Auriol et Bao Daï qui ratifiait les accords de la Baie d’Along de 1948, la France abandonnait officiellement toute visée coloniale sur l’Indochine qui devenait une fédération d’États indépendants associés à la France au sein de l’Union française. La suite logique aurait voulu que le gouvernement définît une ligne politique claire, laquelle devait être mise en œuvre par le haut-commissaire au plan politique et orienter l’action militaire du commandant en chef au plan opérationnel. Tant que de Lattre cumulait les deux fonctions durant son proconsulat, il se définit à lui-même le cadre politique de son action, à savoir l’indépendance des États associés et l’alliance avec les États-Unis engagés militairement en Corée pour endiguer le communisme et qui, de facto, prenaient en charge une part croissante de l’effort de guerre financier. Cette solution lui laissait les coudées franches – sans pour autant engager le gouvernement – et, après son départ, demeurant dans le flou des errements antérieurs, les gouvernements successifs de la IVe République se révélèrent incapables de définir la ligne politique et stratégique qui devait guider l’action des ministres concernés et orienter celle des hauts responsables sur le théâtre.
C’est dans cette carence, grave, autant que dans les revers des armes que réside sûrement la cause de l’échec final de l’intervention française en Extrême-Orient en 1954 : cette définition d’une ligne stratégique était en effet essentielle, au premier chef à la nation à qui on ne pouvait demander indéfiniment quelque effort que ce fût sans lui en expliquer les buts ; sur le théâtre, outre le commandement local qui en avait un besoin vital pour définir les grandes lignes de son action, elle s’avérait également souhaitable pour l’encadrement du Corps expéditionnaire qui avait besoin de savoir pourquoi il se battait ; et in fine, elle l’était autant pour que pût être arrêtée une ligne politique claire tant vis-à-vis des États associés que des États-Unis.
De fait, depuis 1950, la France, ses États associés et les États-Unis constituaient une coalition de circonstance contre le Viet Minh, mais les buts respectifs de ces différents alliés divergeaient. Pour les États-Unis, comme en Corée, il s’agissait d’endiguer la poussée communiste dans le Sud-Est asiatique, dans le cadre de la politique de containment définie par le président Truman. À ce but affiché se greffaient de façon de plus en plus ostentatoire au fur et à mesure que le temps passait, des visées économiques et politiques sur les États associés. S’agissant de ces derniers, le but était la mise hors d’état de nuire du « rebelle » que constituait le Viet Minh. Mais, simultanément, ils ne perdaient pas de vue que la poursuite de la guerre aboutît bien à l’octroi d’une indépendance réelle vis-à-vis de l’ancienne métropole coloniale. Ce desserrement des liens avec la France s’accompagnerait à coup sûr d’un alignement sur les États-Unis, puisqu’il était patent que ces États puissent avant longtemps échapper à une tutelle face à la menace de la subversion communiste soutenue par le géant chinois. Ainsi, de facto, les buts de guerre des États-Unis et des États associés se recouvraient en partie et surtout, se trouvaient objectivement dirigés à l’encontre des intérêts français.
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