Les visées annexionnistes de la Somalie, inféodée à Moscou, et sa volonté de regrouper toutes les ethnies somali entretiennent dans cette région des tensions qui pourraient conduire à une déstabilisation dangereuse. La France ne peut admettre de telles prétentions, pas plus d’ailleurs que l’Éthiopie, menacée d’étouffement et de démembrement ; les États arabes ne gagneraient rien non plus à voir la domination de la Somalie et l’influence soviétique s’exercer sans partage sur cette rive de la mer Rouge et de l’océan Indien. L'auteur, journaliste à Radio France Internationale, a été pendant quatre ans conseiller du ministre éthiopien de l’Information.
Djibouti, centre névralgique de la Corne de l'Afrique
Le boutre qui, du Sud-Yémen, traverse de nuit la Mer Rouge pour ravitailler les séparatistes érythréens ne fait pas que transporter des armes et des munitions. Il est le plus petit maillon du filet idéologique ou stratégique qui se déploie sur la région. La Mer Rouge n’est-elle pas une sorte d’écluse entre la Méditerranée et l’Océan Indien dont, jadis, les historiens affirmaient qu’il était le plus européen de tous ? La diplomatie capétienne avait mis deux siècles pour arracher le monopole, ou presque, du passage à travers l’Égypte sur la route des Indes (Traité de 1785). Les pays européens se concurrençaient alors pour de la soie et des épices : il n’en va plus de même aujourd’hui et les super-puissances ont donné plus de gravité à l’enjeu. Sur les rives de l’Océan Indien se pressent près d’un milliard d’hommes, soumis trop souvent à des institutions politiques instables et souffrant en outre du sous-développement. Dans leurs yeux brillent des civilisations lointaines et le reflet d’une immensité que d’aucuns veulent désormais occuper, dominer. D’étranges chalutiers soviétiques y circulent, et de certaines îles les États-Unis font de véritables arsenaux. Zone de paix, selon les votes de l’ONU, l’Océan Indien est devenu une région convoitée. À son extrémité nord-ouest, cette région s’entaille sur la « corne de l’Afrique ». Point de stabilité ou blessure ? Ancrage ou éventration ?
La question n’est pas sans importance si l’on tient compte du Canal de Suez. Son obstruction conférait un rôle primordial à la sentinelle sud-africaine. Sa réouverture en juin 1975 fait à nouveau du détroit de Bab-el-Mandeb un point névralgique. D’autant plus qu’il est question de modifier le droit maritime international et de porter à 12 milles la limite territoriale en mer. Comme d’autres, ce détroit tomberait alors sous la souveraineté des États côtiers. Certes, les États-Unis comme l’Union soviétique s’opposent actuellement à cette limitation du droit de transit mais les pays riverains de ces détroits internationaux la considèrent comme indispensable à leur sécurité. Les cartes ne sont pas toutes abattues et dans cette « corne de l’Afrique » encore moins qu’ailleurs.
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