Le malheur kurde / La république kurde / La question kurde
Une population évaluée de 20 à 25 millions de personnes, disséminée dans quatre États principaux (Turquie, où ils sont près de la moitié de l’effectif total, Iran le quart, Irak le sixième, Syrie enfin un million). À cela s’ajoutent 300 000 Kurdes dans les républiques du Caucase de la Communauté des États indépendants (CEI), alors que la diaspora en Europe est évaluée à 600 000 personnes. Ces populations pastorales établies depuis des millénaires dans cette région, carrefour de langues du groupe iranien et dans leur majorité sunnites, ont été les grandes oubliées de l’histoire. Bien plus que les Kurdes, c’est Mossoul et son pétrole qui préoccupèrent les puissances durant la Grande Guerre. On sait que le traité de Sèvres (10 août 9120) leur accordait un statut d’autonomie, mais l’offensive kémaliste vida de son véritable contenu ces généreuses dispositions. Il est vrai que le nationalisme kurde représentait un défi permanent pour les États de la région. En 1924, la langue kurde fut tout simplement interdite en Turquie. Saisissons la parution de trois ouvrages pour mieux comprendre le drame de ces populations.
Gérard Chaliand fractionne l’histoire contemporaine des Kurdes en quelques grandes phases : 1920-1945 ; 1945, du fait de l’établissement de la république de Mahabad dont l’histoire complète – un des très rares récits circonstanciés – a été retracée par William Egleton, chercheur et diplomate américain ; 1945-1958, répression et silence ; 1958-1975, du coup d’État de Kassem qui reconnaît l’Irak comme la patrie de deux peuples, arabe et kurde, jusqu’aux accords d’Alger de mars 1975 qui eurent pour conséquence l’effondrement des mouvements kurdes en Irak ; depuis cette date enfin, l’histoire des Kurdes est celle d’une série de rêves, d’espoirs et d’exils dont le dernier en date, en mars-avril 1991, provoqua un large émoi international.
Gérard Chaliand attribue à la structure tribale du peuple kurde la cause de ses déboires permanents. « Il n’a jamais existé, du moins jusqu’au milieu du XXe siècle, de véritable sentiment national capable de transcender les oppositions tribales », et il a été facile « à un pouvoir extérieur de s’immiscer dans le jeu tribal ». Il rejoint dans ses conclusions celles des auteurs de la question kurde. Aucun État n’est prêt à accorder aux Kurdes l’indépendance et même une large autonomie qui n’en constituerait que le prélude. Aussi le destin de ceux-ci repose sur l’espoir d’une liberté relative, d’une démocratisation des pays du Proche-Orient, et sur l’élaboration d’un véritable droit protecteur des minorités qui bénéficieraient d’un statut réellement protecteur. ♦