La France de l’intégration, sociologie de la nation en 1990
Dans une interview publiée dans La Croix, l’événement des 10 et 11 mai 1992, Mme Dominique Schnapper prend une position très nette sur certains phénomènes à l’Est : « L’ethnie n’est pas la nation… L’idée de communauté, ethnique ne conduit pas nécessairement à une communauté politique ». Elle pose également le problème : comment combiner vie économique commune aux pays européens et maintien d’une culture, d’une tradition, d’un attachement historique au niveau national ? Tout cela donne fort envie de lire son livre. On n’est pas déçu par cet ouvrage sans passion apparente
Mme Dominique Schnapper est la fille de Raymond Aron. Elle est surtout directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales. Elle a été membre de la commission de la nationalité, présidée par M. Marceau Long. Consciente d’un décalage entre une pensée juridique, ferme et structurée, et les limites d’une recherche sociologique sur l’immigration et la nation, elle se livre à une étude systématique, qui commence en levant les ambiguïtés de terminologie provenant de sens différents donnés aux mots nation et nationalisme, en particulier en France et en Allemagne. Elle est amenée ensuite à approfondir en sociologue le phénomène migratoire dans sa très grande diversité, dans le projet des migrants et ce qu’est pour eux l’acculturation. Elle en vient alors à l’intégration des immigrés, telle qu’elle se pose à notre société, avec ses défauts, en particulier l’affaiblissement des modèles familiaux. Dans une dernière partie, Mme Schnapper se demande ce qu’est une nation en 1990. Elle conclut en citant Tocqueville, pour qui « la France est plus extraordinaire qu’aucun événement de son histoire », et qui a été longtemps caractérisée par la violence de ses luttes politiques. Aujourd’hui, le débat idéologique semble éludé : « N’est-elle pas devenue exceptionnelle en ce qu’elle continue à manifester, plus que les autres pays européens, un attachement sentimental et historique à l’idée de nation, alors que la réalité nationale est, plus qu’ailleurs, menacée par la modernité ? ». On pourrait reprocher à Mme Schnapper de ne pas définir toujours très clairement ce qu’elle entend par ce dernier terme.
Dans ce livre très dense, très riche en observations de toutes sortes, nous trouvons matière à notre réflexion, même si nous ne sommes pas d’accord. Nous sommes amenés à approfondir des notions qui sont trop souvent pour nous intuitives ou admises une fois pour toutes. Par exemple savons-nous que la France a toujours été un pays d’immigration et même pendant très longtemps, le seul d’Europe ? Nous pouvons aussi méditer à loisir la fameuse conférence d’Ernest Renan à la Sorbonne, en mars 1882 : « Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses constituent cette âme, ce principe spirituel. L’une est la possession en commun d’un riche legs de souvenirs. L’autre est le consentement actuel, dans le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l’héritage que l’on a reçu indivis » (Jean Bastaire : Éloge des patries, anthologie critique ; Éditions universitaires, p. 94). ♦