Le budget de la Communauté européenne
Ce livre dépasse le domaine de la vulgarisation pour se situer au niveau des spécialistes, tout en restant parfaitement lisible pour le profane curieux. Certes, budget et austérité vont de pair ; un moment d’inattention suffit pour se perdre dans la « réserve négative » ou dans les « DNO non privilégiées », mais l’essentiel apparaît néanmoins clairement.
L’étude du budget de la Communauté (et accessoirement de celui de la CECA – Communauté économique du charbon et de l’acier) est conduite sous trois aspects que nous nommerons pour simplifier : institutionnel, opérationnel et politique. Comme le budget est « un instrument de l’action », le sujet conduit à aborder tous les débats de fond sur l’Europe communautaire à la veille d’échéances capitales. L’esprit de Bercy souffle sur l’ensemble du Vieux Continent.
Les principes émanent du « fonds commun des droits financiers d’Europe occidentale », auquel s’ajoutent les caractéristiques propres que sont la règle de l’équilibre et le libellé en unités de compte. L’élaboration du budget est « au cœur de la lutte que se livrent le Conseil et l’Assemblée », cette dernière ayant acquis du poids par l’élection au suffrage universel. D’autres divergences apparaissent, à partir de la notion de « taux de retour », parmi les puissances participantes que l’auteur regroupe plaisamment en « lobbies » entre lesquels « aucun groupe ne dispose de la majorité qualifiée ». La situation particulière de « l’inclassable Grande-Bretagne » justifie à son profit une « compensation » réglée par ses voisins selon une grille horriblement compliquée. L’auteur hasarde avec prudence un tableau des « bénéficiaires » et des « contributeurs » où la France n’apparaît pas particulièrement bien située.
De l’examen des dépenses en 1990, il ressort que moins de 5 % sont consacrés à l’administration et au fonctionnement (ce qui est relativement rassurant quant à la boulimie des « technocrates de Bruxelles »), mais que 56 % sont engloutis dans les dépenses de soutien des marchés agricoles, ce qui est beaucoup moins rassurant et fait mieux comprendre, à l’heure des manifestations paysannes, les difficultés de gestion de la « PAC » (Politique agricole commune) : stockages gigantesques, ventes à perte, drame des quotas… Cette situation n’est pas sans rappeler le déséquilibre des budgets nationaux entre « services votés » et « mesures nouvelles ». La forte proportion des dépenses reconductibles et obligatoires intervient au détriment de programmes plus novateurs et plus volontaristes. Les quelque 35 % disponibles permettent tout de même d’œuvrer valablement à la réduction du retard des régions défavorisées, au lancement de programmes scientifiques pointus comme « Esprit » ou « Race » afin « d’apporter une réponse commune de grande ampleur au défi technologique des États-Unis et du Japon », à un effort sur l’environnement, à un début d’action sociale et culturelle… au risque de se disperser entre la teneur en goudron des cigarettes et la restauration du Parthénon. Les crédits consacrés au développement, encore modestes, sont en progression rapide et permettent le fonctionnement de ces mécanismes au nom bizarre que sont le « Stabex » [NDLR 2020 : Fonds de stabilisation des recettes d’exportation sur les produits agricoles] et le « Sysmin » [(Système de Développement du potentiel minier) au profit des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique]. Une autre direction d’effort est cependant apparue en Europe centrale et orientale : l’opération « Phare » est un nouveau plan Marshall à destination de l’Est dont les besoins, chiffrés en milliards d’Écus, sont énormes.
L’élargissement de la Communauté, qui fait ici l’objet d’un inventaire systématique des hypothèses, ne faciliterait pas les choses : « L’Europe est simultanément confrontée à trop d’échéances majeures pour que de nouvelles adhésions soient envisageables avant 1993 ».
Cet ouvrage complet, ouvert sur l’avenir, constitue aussi, à partir d’un thème précis, un cours de finances publiques en général et l’occasion d’une réflexion sur les relations entre la volonté politique et les équilibres budgétaires, dans un cadre collectif qui rend ces relations particulièrement complexes, même si les objectifs sont sincèrement partagés. ♦