Une vie américaine. Mémoires / Les discours de Ronald Reagan
La lecture des mémoires de Ronald Reagan n’apportera aux historiens que peu de révélations. Elles ne fourmillent ni de faits nouveaux, ni de portraits saisissants. Elles ne sont pas un monument littéraire et donnent bien l’impression d’avoir été dictées. Mais l’ancien Président s’y livre tel qu’il est : spontané, social, charmeur, vivant. Son texte est alerte et sincère et il découvre à chaque moment son goût marqué pour le contact direct, pour le message simple, pour la compréhension entre les hommes. À chaque chapitre, Ronald Reagan illustre sa répulsion du dogmatisme, des lourdeurs bureaucratiques, son aspiration à une société d’individus libres et entreprenants, son credo principal.
Au départ, il fut un démocrate progressiste, mais il devint peu à peu, dit-il, un républicain convaincu, évolution achevée en 1960, lors de l’affrontement entre Ronald Nixon et J.F. Kennedy. Il adresse des louanges à Harry Truman, pour son bon sens, son orthodoxie budgétaire, sa détermination à lutter contre la bureaucratie, toutes qualités, on le voit, qui sont aussi les siennes.
Mais sa doctrine politique est restée la même et il l’a trouvée chez Thomas Jefferson, fondateur du parti démocrate qui définit le bon gouvernement : « Une Administration sage et frugale qui laissera les hommes libres de régler la poursuite de leur activité et du mieux-être ». Ne fut-ce pas le dessein de toute sa politique économique durant les huit années de son passage à la Maison-Blanche ?
Autre caractéristique bien reaganienne, son goût des contacts humains, francs et directs. À l’issue de sa première rencontre avec Margaret Thatcher, il n’a pas de retenue et avoue : « Je l’ai tout de suite beaucoup aimée ». Dans le récit de ses contacts internationaux à haut niveau, Mikhaël Gorbatchev occupe la place essentielle, sinon exclusive. L’ancien Président n’hésite pas à écrire à ce sujet : « Il m’apparaît clairement qu’il existait entre Gorbatchev et moi quelque chose de chimique, assez proche de l’amitié ». Le récit des rencontres au sommet (Genève novembre 1985, Reykjavik octobre 1986, Washington décembre 1987, Moscou mai 1988) sont les passages les plus captivants de ses Mémoires. Il faut lire le récit minutieux de sa rencontre en tête-à-tête au bord du lac Léman, en novembre 1985, qui créa selon lui un contact personnel empreint de sympathie réciproque et de confiance, ce qui permit aux relations américano-soviétiques de se développer favorablement. Un autre point mérite d’être retenu, le rôle de l’IDS, l’Initiative de défense stratégique ; Ronald Reagan est intimement convaincu que c’est elle qui a amené les Soviétiques à la table des négociations et les a fait finalement fléchir. Avec le léger recul du temps, on doit lui en donner crédit.
Ne doit-on pas rendre hommage aussi à son discours de la porte de Brandebourg du 12 juin 1987 qu’il terminait par ces mots : « M. le secrétaire général Gorbatchev, si vous voulez la paix, si vous voulez la prospérité de l’Union soviétique et de l’Europe de l’Est, si vous voulez la libéralisation, présentez-vous à cette porte ! M. Gorbatchev, ouvrez cette porte ! M. Gorbatchev, abattez ce mur ! » ?
À ceux qui s’étonnaient qu’un acteur de Hollywood (« J’étais le Errol Flynn des séries B », avoue-t-il) soit devenu président des États-Unis, il répondit toujours qu’il se demandait comment on pouvait être Président sans connaître le métier d’acteur. Il aimait les bons mots, les formules simples. Il n’a jamais eu la prétention de dialoguer avec l’histoire, mais il avoue qu’il l’a rencontrée une fois à Reykjavik : « Il me semble que l’histoire montrera à quel point il s’agissait d’un tournant décisif dans la croisade pour la sécurité dans le monde ». Les événements postérieurs ont montré qu’il y eut bien d’autres tournants.
La lecture de ces Mémoires révèle un caractère. Elles sont un souffle d’espoir, d’optimisme, deux des raisons essentielles de la longévité politique de Ronald Reagan. ♦