La résolution des conflits en Afrique
Même si les conflits africains se sont fortement réduits en nombre et en intensité depuis l’été 1988, leur étude relève plus que du simple intérêt historique. Tel est le principal mérite de l’étude fouillée de William Zartman, l’un des plus réputés africanistes américains. Celui-ci, en procédant à une étude comparative et à une description détaillée de la plupart des conflits africains de ces trente dernières années, fournit un tableau de leurs causes, dont l’intérêt demeure, pour une large part, encore actuel. Il en distingue six catégories.
Les luttes pour le pouvoir consécutives à la décolonisation : partout, on a assisté à une compétition et à des manœuvres acharnées au sujet de la possession ou du partage du pouvoir. L’Angola, le Zimbabwe, la Namibie et le Sahara occidental ont tous connu, ou connaissent encore des conflits issus de cette lutte qui a précédé et accompagné l’indépendance.
Nouvelle consolidation après l’indépendance : le Shaba [Katanga, Zaïre], l’Angola, l’Ogaden [Éthiopie] et le Tchad, ont tous illustré le cas de guerres où l’espace politique a débordé les limites territoriales nationales et le contrôle de l’État sur son propre territoire s’est heurté à des proto-gouvernements rivaux.
Restes de mouvements de libération nationale : J. William Zartman a raison de faire ressortir que ceux-ci ignorent les problèmes de responsabilité d’un État. « Aussi ne peuvent-ils être vaincus que par l’anéantissement, tâche ardue s’il en fût ».
Territoire mal défini : l’auteur montre comment la fameuse règle uti possidetis, établie lors des indépendances africaines a été de plus en plus remise en cause. Les querelles du Bénin et du Niger sur l’île de Lété, le litige récurrent entre le Mali et le Burkina Faso, les revendications persistantes pour l’unité de l’ethnie Éwé dont la frontière entre le Ghana et le Togo traverse le territoire, le litige au sujet de la bande d’Aouzou [Tchad contre Libye], celui portant sur la rivière Kagera entre l’Ouganda et la Tanzanie, autant d’exemples parmi d’autres de conflits passés ou potentiels.
Les rivalités structurelles, cinquième cause de conflits, sont plus difficiles à cerner et encore plus à prévoir. En effet, on a assisté à la forte diminution de ce type de conflit (Maroc-Algérie, position centrale de l’Éthiopie, potentiel de prédominance du Nigeria en Afrique occidentale et du Zaïre en Afrique centrale).
Emballement des moyens enfin, ces derniers provenant pour l’essentiel de l’extérieur.
Au-delà de cette étude des causes et de la typologie des conflits, J. William Zartman se livre, dans la dernière partie de son ouvrage, à une comparaison des modes de résolution. Il cherche à déterminer les notions de seuil ou de calendrier (crise consommée, crise en escalade, crise qui dure) et à en fixer les dimensions (intensité, alternatives, rapports de pouvoir). L’intérêt de ces distinctions dépasse l’étude des seuls cas africains. On peut s’interroger néanmoins si l’Afrique ne redeviendra pas, comme l’a qualifiée J. William Zartman sans trop de ménagement, « une sorte de ghetto régional où les hommes pourraient se chamailler tout à leur aise, avec leurs voisins, sans perturber l’équilibre mondial ». Cela ne serait pas un objectif ou un aboutissement pour une politique européenne : le destin africain est aussi le nôtre. ♦