La guerre terrestre de demain sera plus complexe avec l’apport de techniques cognitives, la numérisation intégrale et le développement des automates. Mais la réussite d’une opération restera basée sur la force morale des combattants. Ce besoin sera impératif pour nos armées confrontées à un adversaire pugnace et prêt au sacrifice.
Horizon 2030 : réflexions prospectives sur le combat terrestre
Horizon 2030: Prospective Reflections on Ground Combat
The ground war of tomorrow with be further complicated by the contribution of cognitive techniques, integral digitization, and the development of automatons. However, the success of an operation will remain dependent on the moral strength of soldiers. This need will be imperative for our armed forces confronted by an adversary both pugnacious and ready to make sacrifices.
Puisque nous nous inscrivons dans la célébration du centenaire de la Grande Guerre, commençons par nous intéresser aux travaux des prospectivistes qui s’exprimèrent dans la foulée de la Première Guerre mondiale. Qu’avaient-ils aperçu et compris des changements que devait réserver la Seconde ? Parmi les textes les plus prophétiques de l’après-1918 figure l’article « Extrapolations » du capitaine Mérat, publié en mars 1920 dans la Revue militaire générale. Le jeune officier appelait l’attention sur l’« évolution scientifique de la guerre et la réorganisation militaire qui [devait] en résulter », identifiant les transformations du point de vue tactique, avant de passer aux conséquences stratégiques. Parmi ces transformations figurait l’apparition d’« armes supérieures », celles dont les progrès auraient des répercussions sensibles sur la tactique de toutes les autres armes. Ces armes, les plus « scientifiques », étaient l’aviation et les tanks, de sorte que si l’on faisait un classement en 1920 depuis les armes d’avenir jusqu’aux armes du passé on obtenait : « aviation, artillerie d’assaut, artillerie, fortification, infanterie, cavalerie à cheval ». L’emploi du tank en masse, application à la tactique du principe stratégique du même nom, obligerait à envisager des formations d’attaque, et cela surtout en vue de la lutte contre les tanks ennemis. Ainsi les armées devraient-elles se réorganiser autour des armes maîtresses car ce sont elles qui « fixent le rythme tactique ».
En ce début de XXIe siècle, nous ne sommes pas tant à l’aube d’une mutation militaire analogue que, bel et bien, au milieu d’une telle révolution. Le modèle d’armée de la Seconde Guerre mondiale, dont l’organisation générale, sous l’effet de gel de la dissuasion nucléaire, n’avait pas évolué pendant la guerre froide, s’est désintégré. Ainsi en Irak, l’armée américaine n’avait plus rien à voir avec son passé. Elle se composait en fait de quatre forces : 10 000 robots, 50 000 soldats privés, 140 000 militaires réguliers, un fort contingent d’unités spéciales. L’État islamique réinvente par ailleurs sous nos yeux un art de la guerre révolutionnaire qui avait permis à Mao et Giap de l’emporter sur leurs adversaires.
On s’interrogera dans cet article sur l’enjeu de la navalisation de la manœuvre aéroterrestre, avant de nous demander si le processus inexorable de robotisation du champ de bataille pourrait conduire à la réorganisation du combat terrestre autour de nouvelles armes supérieures robotisées. Mais commençons par évoquer le contexte du combat terrestre futur.
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