Nouvelles guerres - L’état du monde 2015
Nouvelles guerres - L’état du monde 2015
La parution de L’état du monde est toujours attendue avec impatience par tous ceux qui travaillent sur les questions internationales. Et le sujet de cette récente édition traite des nouvelles guerres. L’intérêt était donc double pour les stratégistes et spécialistes de défense. Le livre est dense avec 32 articles et notices, souvent très pertinents et documentés, rédigés exclusivement par des universitaires ou des journalistes. Une approche donc conforme aux critères et canons académiques.
Il est désormais loin le temps où l’on prétendait tirer « les dividendes de la paix ». Plus que jamais, le monde est en guerre, en guerre contre lui-même avec la multiplication des conflits et la remise en cause de l’organisation westphalienne autour de l’intangibilité des frontières. Ainsi, en 2014, l’Ukraine a vu la région de Crimée annexée par la Russie, tandis que les combats se poursuivent à l’Est, malgré l’hiver ; au Moyen-Orient, Daesh contrôle un territoire à cheval sur la Syrie et l’Irak, appliquant une barbarie médiatisée avec soin, tandis que Boko Haram se crée un califat issu de nulle part entre Nigeria et Cameroun. Et dans les espaces maritimes, les revendications d’îlots ou de Zones économiques exclusives (ZEE) attirent les convoitises.
Ailleurs, les tensions restent vivent comme en mer de Chine, où les risques de friction entre forces chinoises et japonaises sont réelles, tandis que les pays limitrophes engagent des programmes d’armement visant à se protéger. Il en est de même pour la Corée du Nord dont l’activisme militaire et le commerce proliférant sont réels, mêlant provocations et tentatives d’ouverture. Curieusement, ces sujets ne sont guère abordés, comme si l’Asie était trop loin de Saint-Germain-des-Prés.
De même, concernant l’Ukraine, ce sont des chars T-72 contre d’autres chars T-72. Paradoxalement, dans la plus grande tradition de la doctrine militaire soviétique. Il s’agit ici d’un conflit très classique, très ressemblant à ce qui s’est passé en ex-Yougoslavie, il y a près de deux décennies. Avec une utilisation identique de l’artillerie de façon systématique…
Ces exemples montrent la limite de cet ouvrage, au « demeurant utile et sérieux », car il est très incomplet, n’en déplaise aux auteurs. Je souligne en effet l’absence de contributions qui auraient apporté un regard utile pour comprendre ces nouvelles guerres. Pas un militaire, pas un diplomate, pas un médecin membre d’ONG ayant l’expérience du terrain parmi les contributeurs. Or, pour comprendre ces nouvelles guerres, leurs approches auraient été indispensables. Ne serait-ce que pour comprendre les effets sur le terrain de ces nouvelles guerres. Ainsi, la question de la logistique d’entités comme Daesh ou Boko Haram méritait une analyse. Comment les trafics en tout genre (drogue, armes, prostitution…), notamment à travers le Sahel, alimentent des groupes se revendiquant par ailleurs d’un Islam « pur » ? Comment ces mêmes groupes armés s’équipent-ils de véhicules blindés troquant ainsi le traditionnel pick-up Toyota, pour des 4x4 plus puissamment armés, disposent de missiles voire d’armements chimiques, comme en Syrie ? Comment les combattants islamistes au Nord Mali utilisent des drogues pour s’endurcir au combat ? Comment la systématisation d’actes de barbarie à l’encontre des populations civiles est-elle utilisée pour fragiliser l’action de nos soldats ? La liste des questions est longue et montre combien le sujet est hélas loin d’être épuisé. Nul doute que l’édition 2016 devrait donc être encore plus riche en enseignements.
Un travail certes utile, intéressant, mais partiel et de ce fait partial.