La politique internationale des années quatre-vingt : de Reagan à Gorbatchev
Il est rare qu’un ouvrage, écrit juste avant une accélération inattendue de l’histoire, ne soit pas dépassé aussitôt paru. La politique internationale des années quatre-vingt : de Reagan à Gorbatchev fait partie de ces brillantes exceptions. Cet ouvrage remarquable est, entre autres, une mine de références pour professeurs et étudiants.
1980, c’est la première élection du président Reagan, et 1985 l’arrivée au Kremlin de Mikhaïl Gorbatchev. Deux dates capitales qui marquent chacune une moitié de la décennie. Avec brio, l’auteur fait dérouler sous nos yeux un véritable ballet avec ses tandems successifs : Carter-Brejnev, Brejnev-Reagan, Reagan-Andropov puis Tchernenko, Gorbatchev-Reagan puis Bush : personnages en rupture devant un décor européen, asiatique et mondial qui défile à une vitesse surprenante.
On assiste successivement au réveil américain grâce à un acteur qu’on disait médiocre, au changement de génération en URSS et aux interrogations qu’il suscite durant les premières années : Gorbatchev ? Continuité sous d’autres apparences, ou rupture avec 70 ans de marxisme-léninisme militant ?
La nouvelle donne des relations américano-soviétiques concerne au premier chef l’Europe, mais celle-ci est presque absente du débat. Les nouveaux acteurs sont empêtrés dans les problèmes que leur ont légués leurs prédécesseurs. Ainsi l’Afghanistan pour l’URSS et, à un moindre degré, l’Iran et le Nicaragua pour les États-Unis, sans parler du conflit israélo-arabe larvé, du Cambodge, de l’Angola. Il y a même des drames intra-occidentaux, comme la guerre des Malouines qui place de nombreux pays, dont les États-Unis, devant des choix délicats.
De tout cela et aussi de la Chine, en évolution répressive, du Japon et, bien entendu de la France et de l’Europe communautaire, François Puaux décrit en quelques pages la situation instantanée inscrite dans son histoire récente et ses perspectives. Quant à la « Mitteleuropa : un enjeu, plusieurs rêves », l’auteur la campe dans un devenir qui apparaissait encore lointain mais dont les grandes lignes se dessinaient déjà : « Où s’arrête l’Europe ? » demandait-il, et il constatait : « … Pour surmonter la division de l’Europe, il faut bien commencer par mettre fin à celle de l’Allemagne ». Le premier événement à cet égard n’a-t-il pas été l’ouverture du mur de Berlin par Egon Krenz ?
La décennie s’achève sur une perestroïka qui semble parfois dépasser son auteur, par une Amérique qui tresse des couronnes à Reagan en oubliant que ses succès brillants et incontestables sur le plan de la politique internationale se sont accompagnés d’une situation intérieure caractérisée, malgré la prospérité, par le fameux « twin deficit », budgétaire et des échanges extérieurs, avec une dette interne et externe énorme et croissante.
L’épilogue du livre commence par cette phrase : « Toujours l’inattendu arrive » ; il se termine par une autre de Raymond Barre au symposium de Davos en mars 1989 : « Un mouvement d’expansion extraordinaire qui porte le monde ». « C’est la chance des années quatre-vingt-dix », écrit François Puaux. Les événements exceptionnels intervenus depuis la sortie d’un livre qui se lit avec passion et admiration le confirment déjà.