Le Monde de l'Islam et la France
Dans une conférence prononcée à Londres le 3 mars 1944, Sir Walther Layton, parlant de la future organisation du monde et des problèmes qu’elle allait poser, rangeait parmi les questions « de grande importance internationale », d’une part l’avenir du monde musulman, de l’autre le problème des « peuples assujettis ». À vrai dire, ces deux questions, sans se confondre, ont entre elles des liens étroits, puisqu’un certain nombre de peuples musulmans sont encore aujourd’hui gouvernés ou contrôlés par des puissances européennes et que les progrès de l’Islam s’observent principalement chez des peuples réputés encore incapables de se gouverner eux-mêmes.
Il y a aujourd’hui dans le monde environ 250 millions de musulmans. Or, rien que dans le continent indien, la Grande-Bretagne compte 89 et quelque millions de sujets professant la religion de Mahomet. Les Hollandais en ont près de 50 millions dans leur empire des Îles de la Sonde ; la France, dans son empire d’Afrique du Nord et d’Afrique occidentale, gouverne ou protège, à tout le moins, 20 millions de musulmans (1). Ainsi une grande partie du monde de l’Islam est encore privée de cette complète indépendance qui fait l’objet de ses aspirations, tantôt confuses, tantôt précises et impérieuses, spontanées chez certains peuples, suscitées et entretenues chez d’autres par des facteurs étrangers.
Le progrès constant et rapide de l’islamisme dans le monde pose un premier problème qui, depuis longtemps, retient l’attention des observateurs politiques et religieux. Quelles sont les causes de ce progrès ? Tout d’abord, le musulman, en générai, croyant convaincu, est missionnaire par nature. La propagande religieuse n’est pas le monopole des marabouts et des confréries l’artisan, le commerçant, le caravanier sont autant d’apôtres qui ne négligent aucune occasion de répandre leur doctrine, soit autour d’eux, soit dans les pays où les conduit leur trafic. En Afrique, les propagandistes musulmans ont créé des villages peuplés de convertis qu’ils ont amenés du dehors. Une caravane d’esclaves originaires du Ouadaï ayant été pillée par des nomades, le grand Senoussi les fit arrêter, instruire dans l’Islam, puis, après quelques années, il les affranchit et les renvoya dans leur pays pour y répandre la religion de Mahomet (2). Pendant une famine qui ravageait la province de Chantoung, en Chine, de riches musulmans achetèrent 10.000 enfants qu’ils firent élever dans leur religion.
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