Billet – Nucléaire, les 50 premières années
La France fête cette année quelques anniversaires : un centenaire de la Grande Guerre avec un certain relief, un cinquantenaire de la dissuasion nucléaire quasiment en catimini. Personne pourtant ne fait le lien entre les deux anniversaires, personne ne voit que le second est fils du premier et résout pour longtemps la question des deux guerres mondiales intervenues entre-temps. Pourtant, grâce à la bombe, plus jamais ça !
La bombe n’est pas morale au sens où les belles âmes pacifistes imaginent l’humanité. Pas morale mais efficace et produisant plus de paix que n’en obtinrent jamais les Munichois de jadis ou les pacifistes des années 1980 qui clamaient « Plutôt rouges que morts ! ». Depuis Churchill, cependant, on sait bien qu’à trop vouloir éviter la guerre on récolte à la fois la guerre et le déshonneur : alors, la morale n’est pas sauve. Plutôt la bombe que l’Occupation, la Collaboration, la Déportation… !
À l’heure où certaines voix se croient politiques et se montrent seulement gagne-petit en réclamant la fin de la composante aérienne, il faut encore rappeler ces principes politiques avant d’être stratégiques.
Ainsi, il va falloir réfléchir à nouveau à la dissuasion. Si son modèle traditionnel s’exerce contre des puissances nucléaires établies, on observe l’apparition de nouvelles situations : prolifération verticale de puissances dotées qui montent en gamme (Russie, Chine, Inde, voire Pakistan), gesticulation plus visible de cet outil oublié (la Russie dans la crise ukrainienne), risques de prolifération au Moyen- voire en Extrême-Orient, connexion de plaques stratégiques jusque-là indépendantes (l’Iran a plus à craindre du Pakistan que d’Israël), développements techniques (têtes manœuvrantes en rentrée, furtivité accrue), contournements possibles (plus que la défense antimissile, on pense ici aux armes hypervéloces de haute précision, voire aux armes à effet dirigé), connexion probable entre la sphère nucléaire et l’espace exo-atmosphérique. En fait, dans le brouhaha médiatique, la question nucléaire devient plus actuelle et nécessaire.
Autrement dit, les partisans du moindre effort qui prônent par exemple l’abandon de la deuxième composante, n’aperçoivent pas que, plus que jamais, la France a besoin de souplesse pour répondre aux crises et qu’à cantonner la dissuasion à un outil existentiel (les SNLE), on oublie la nécessité d’une dissuasion démonstrative, adaptée au chaos donc à la surprise, dissuasion qu’apporte l’avion et demain, peut-être, le missile autonome.
La vraie valeur morale de la dissuasion, c’est la constance de la volonté qui dépasse de loin les petits calculs budgétaro-politiciens. On en reparle dans cinquante ans ?