Le discours récent du président de la République à Istres constitue la « feuille de route » pour la dissuasion des années à venir avec une impression de continuité, mais aussi la volonté de poursuivre la pérennisation des moyens par leur « maintien à niveau ».
La dissuasion selon François Hollande : continuité, précisions et inflexions
François Hollande’s View of Deterrence: Continuity, Accuracy and Reorientations
The French President’s recent speech at Istres amounts to a road map for the deterrent over the years to come and emphasises continuity as well as the will to ensure that assets are maintained at the right level over the long term.
Le discours prononcé par le président de la République le 19 février 2015 n’a rien de révolutionnaire. Néanmoins, il contient quelques précisions et ajustements qui rendent son analyse utile. Il complète en effet le cadrage qui avait été fait sur le sujet par le Livre blanc de 2013, dont la brièveté n’avait pas permis de développer la question de la dissuasion nucléaire.
Le premier mérite d’un tel discours est d’exister : la France est en effet le seul État nucléaire occidental (et l’un des seuls pays disposant de capacités nucléaires militaires) dans lequel le chef de l’État ou du gouvernement consacre un discours public entier à la dissuasion, tous les cinq ans en moyenne. Il s’agit d’une tradition précieuse. D’abord pour la crédibilité même de la dissuasion, qui suppose un engagement clair des autorités du pays envers « qui de droit ». Ensuite pour la motivation de tous ceux, au sein des forces armées et de l’industrie en particulier, qui travaillent pour les forces nucléaires françaises. Enfin, pour la démocratie : l’existence même de ce pouvoir suprême implique, c’est bien le moins, que son titulaire s’exprime régulièrement devant les Français qui l’ont élu et lui ont donné cette capacité. C’est aussi l’occasion de leur rappeler que le terrorisme n’est pas la seule menace potentielle sur la France : de par ses fonctions, le président de la République doit voir loin dans le temps… ainsi que dans l’espace : la mention de l’évolution préoccupante des arsenaux nucléaires asiatiques rappelle que certains des pays concernés ont, ou auront un jour, la capacité d’atteindre notre territoire.
Le paysage stratégique dépeint par le président de la République justifie, selon lui, la rétention et la pérennisation de la force de dissuasion française. M. Hollande s’abstient, toutefois – au contraire de ce qui est souvent le cas dans d’autres pays – de nommer les États susceptibles d’être concernés. Cette discrétion permet de ne pas envenimer inutilement les relations diplomatiques avec certains pays (on pense par exemple au rôle de la France dans les tentatives de règlement de la crise ukrainienne), et de ne pas tracer inutilement de distinction artificielle entre pays « concernés » et pays « non concernés ». Par définition, la dissuasion s’adresse à tout État susceptible d’avoir la capacité et la volonté de s’en prendre à nos intérêts vitaux.
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