Le CEA est depuis sa création en 1945 un acteur central du nucléaire français. La Division des applications militaires (DAM) a conduit tous les programmes liés à la dissuasion et poursuit son travail d’expertise tout en participant au débat scientifique et éthique.
Le Commissariat à l’énergie atomique et la stratégie de défense française
The Atomic Energy Commission and French Deterrence Strategy
Since its creation in 1945, the Atomic energy commission (Commissariat à l’énergie atomique—CEA) has been a central player in French nuclear matters. Its military applications division (Division des applications militaires—DAM) has conducted all deterrence-related programmes and continues to apply its expertise whilst taking part also in the scientific and ethical debate.
Une adaptation permanente du CEA aux missions de défense de la France depuis 1945
L’ordonnance du 18 octobre 1945, qui crée le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), lui donne mission de poursuivre des recherches scientifiques et techniques « en vue de l’utilisation de l’énergie atomique dans les divers domaines de la science, de l’industrie et de la défense nationale ». Dès son acte fondateur par le général de Gaulle, au lendemain immédiat de la Seconde Guerre mondiale, le CEA participe donc à la reconstruction de la politique de défense française. Il le fait d’abord de façon confidentielle, sous la responsabilité de quelques hommes clés, parmi lesquels Pierre Guillaumat, Bertrand Goldschmidt, Albert Buchalet…, pour mettre en œuvre les décisions politiques des cabinets de la IVe République Pierre Mendès France (1954), Edgar Faure (1955) ou Guy Mollet (1956), Maurice Bourgès-Maunoury (1957) et Félix Gaillard (1957). Puis à partir de 1958, il le fait de façon ouverte, pour répondre à l’objectif fixé par le général de Gaulle. Dans cette première phase, le CEA joue donc un double rôle : celui de préparer les éléments scientifiques et technologiques nécessaires à la conception et la fabrication de l’arme nucléaire ; celui de contribuer au débat politique intérieur et extérieur, animé, sur la politique de défense de la France, dans le contexte des débats sur la Communauté européenne de défense et sur Euratom, ainsi que des crises de Diên Biên Phu, de Suez et d’une nucléarisation croissante des acteurs de la guerre froide.
Dès lors que le processus décisionnel en faveur de l’armement nucléaire est engagé en 1954, puis confirmé et pleinement assumé en 1958, le CEA, par sa Direction des applications militaires, devient un acteur central d’une politique de défense française entièrement organisée autour de la constitution de la force de frappe. Les grandes étapes en sont connues (premier essai en 1960, première prise d’alerte des forces aériennes stratégiques en 1964, constitution des composantes océaniques et terrestres au début des années 1970, développement d’une filière tactique…). Les budgets et les effectifs du CEA croissent en conséquence, sous le contrôle strict depuis 1961 du comité mixte Armées-CEA. Et si les grands penseurs publics de la dissuasion française sont d’abord des militaires, les grandes décisions structurantes sur les armes reposent naturellement sur les compétences et l’expertise développées par le CEA. Cette phase de l’histoire contemporaine de la défense française, qui court jusqu’en 1991 et la fin de la guerre froide est organisée presque tout entière autour du fait nucléaire. Il n’est pour se convaincre de sa centralité dans la pensée stratégique française que de relire le Livre blanc de 1972.
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