L’Inde et le Pakistan sont à la fois puissances nucléaires mais aussi en rivalité permanente depuis l’indépendance en 1947. L’équation dissuasive est complexe et évolue rapidement d’autant que les deux États modernisent leurs arsenaux.
Les dynamiques de la dissuasion en Asie du Sud
Deterrent Dynamics in South Asia
India and Pakistan are both nuclear powers and have been rivals since their independence in 1947. The deterrent equation is complex and is developing rapidly as both countries modernise their weapons systems.
La dimension nucléaire est un élément structurant des rapports de force en Asie du Sud. Officiellement dotés depuis leurs essais respectifs de 1998, l’Inde et le Pakistan, qui n’ont pas signé le TNP, continuent de renforcer leurs arsenaux stratégiques. Si certains moyens de la dissuasion indienne visent à dissuader le puissant voisin chinois, l’arsenal stratégique pakistanais est lui, entièrement, tourné vers l’Inde. Les spécificités du contexte stratégique régional ont contribué à définir les doctrines respectives des deux pays en matière de nucléaire militaire : fortes disparités en termes de superficie, de moyens militaires conventionnels et de poids économique, vulnérabilité des moyens de la dissuasion à des frappes préemptives, manque d’outils ISR et d’acquisition performants, proximité géographique des grandes métropoles et des centres de décisions de la frontière commune (qui implique des délais de réaction très courts en cas de frappes)… Une configuration qui s’insère dans un cadre politico-historique marqué par de forts antagonismes (quatre guerres depuis 1947) entre deux pays que continuent d’opposer des différends territoriaux majeurs, notamment au Cachemire ou dans le Ladakh. Si l’hypothèse d’un emploi en premier est aujourd’hui peu probable, des erreurs d’appréciations ou de jugements commises par le commandement dans le contexte d’un brouillard de guerre, pourraient, en cas de conflit conventionnel majeur, mener à une dangereuse escalade.
Triade indienne et « lignes rouges » pakistanaises
L’Inde dispose d’une centaine de têtes nucléaires essentiellement basées à terre et dont les têtes, en temps de paix, ne sont pas montées sur vecteur. En 1999, soit un an après les essais indiens de Pokhran II, l’administration BJP (Bharatiya Janata Party) d’Atal Behari Vajpayee rédige le premier jet de la doctrine nucléaire indienne, qui sera officiellement adoptée par le Cabinet de sécurité du Premier ministre (CCS) Manmohan Singh en 2003. Elle se structure autour du principe de dissuasion minimum crédible, de non-usage en premier (no first use), du non-usage contre des pays non dotés et enfin sur la riposte massive infligeant des dommages inacceptables. Le gouvernement indien se réserve toutefois le choix d’une riposte nucléaire en cas d’attaque chimique ou biologique massive sur son territoire. Afin de garantir la survivabilité de ses moyens, indispensable tant au maintien d’une capacité de seconde frappe qu’au vu de la proximité de ses grandes métropoles avec le Pakistan, l’Inde cherche rapidement à se doter d’une triade nucléaire dans laquelle les missiles mer-sol (SLBM) doivent jouer un rôle central. C’est le sens du programme K15 Sagarika, un vecteur à courte portée (700 km) qu’embarqueront bientôt les sous-marins nucléaires de classe Arihant. Mais aussi du Danush, une version navalisée du missile à courte portée Prithvi, embarquée sur bâtiment de surface. L’essentiel des vecteurs nucléaires reste basé à terre, notamment les SRBM de la famille Prithvi (de 150 à 750 km) et les MRBM Agni I et Agni II (1 250 à 3 000 km). Au-delà de ces portées, les IRBM Agni III et Agni IV (3 500 à 5 000 km) et l’ICBM Agni V (en développement) sont exclusivement destinés à dissuader la Chine Populaire. L’Indian Air Force disposerait, quant à elle, de bombes nucléaires non guidées montées notamment sur Mirage 2000.
Il reste 73 % de l'article à lire