Technologie et stratégie d’entreprise
On peut être sérieux sans être ennuyeux et traiter d’économie sans être pédant. Telles sont les vérités que confirment les auteurs de ce manuel destiné aussi bien au responsable d’entreprise qu’à l’honnête homme désireux de se maintenir à flot.
Forts de la caution de Jacques Maisonrouge, nos deux pédagogues commencent par faire mesurer, avec l’exemple de l’horlogerie suisse, combien des activités industrielles comptant parmi les plus anciennes et les mieux implantées sont vulnérables à l’innovation surgie ailleurs. Puis ils passent à un indispensable exercice de définitions. Si l’on retient que « la technique s’applique, alors que la technologie se crée », et si l’on admet « la supériorité de la prospective sur la prévision », on conçoit l’intérêt d’une démarche volontariste cherchant à maîtriser le futur, ainsi que la place qu’y tient la technologie.
Il convient donc, au sein de l’entreprise, de confronter le « portefeuille d’activités » et le « portefeuille de technologies » ; de porter l’effort sur le poste « recherche et développement » et de consentir aux chercheurs le statut mérité, tout en assurant leurs liaisons avec les hommes du marketing ; d’ouvrir les yeux sur l’extérieur par une politique de licences et d’alliances (pour ne citer que les moyens avouables !). Les aspects psychologiques jouent également un rôle, notamment la création des besoins auprès de la clientèle potentielle et la motivation de tout le personnel, détenteur d’une parcelle d’« identité » ou de « culture » d’entreprise d’où les rites ne sont pas absents.
Des incertitudes subsistent : sommes-nous en présence d’un saut qualitatif brusque ou d’une évolution continue ? Vaut-il mieux être leader ou suiveur dans l’accès à telle nouvelle technologie ? Quelle participation attendre de l’État ? Le choc va-t-il provoquer des regroupements ou au contraire des « resegmentations » ?
Appuyé sur des exemples pertinents, voire sur des anecdotes ne manquant pas de sel, l’ouvrage réserve au Japon une place impressionnante. La conclusion est un appel à l’initiative : la technologie n’est pas une « variable exogène » à subir, mais une composante essentielle de la stratégie d’entreprise. Dans la même ligne, se situe une réflexion sur le pouvoir dans l’entreprise : après la prééminence des commerciaux et des financiers, n’irons-nous pas vers la réhabilitation de l’ingénieur ? ♦