L’Espagne à la croisée des chemins (défense, économique, technologie)
L’envol de l’Espagne, qu’il soit politique, économique, culturel ou stratégique, est désormais un fait largement acquis. Une nouvelle Espagne est entrée au sein de la Communauté économique européenne (CEE) le 1er janvier 1986, dotée d’institutions politiques mûres, d’un roi prestigieux, d’un véritable système de partis. L’économie espagnole atteint des rythmes de croissance – 5 % l’an – inégalés ailleurs en Europe. Madrid se tourne vers l’ensemble du continent latino-américain et ambitionne peut-être de constituer un jour une communauté hispanophone forte de quelque 370 millions de personnes.
L’étude de Jean-François Daguzan s’inscrit dans ce contexte tout en étant consacrée à un élément plus spécifique, à savoir l’articulation entre technologie, économie et appareil militaire. L’ouvrage est assez bref, mais donc accessible et clair. Il décrit l’effort d’organisation administrative et technique, tout à fait récent, entrepris par les autorités espagnoles pour doter leur pays de structures beaucoup plus efficaces dans les domaines militaire et technologique. La situation qui prévalait jusqu’à la fin des années 1970, lorsque les armées espagnoles étaient sous la tutelle de trois ministères distincts, a pris fin. Les objectifs stratégiques espagnols, verrouillage et surveillance de l’entrée de la Méditerranée occidentale, contrôle des voies d’approvisionnement en matières premières à hauteur de l’Afrique occidentale, rôle de bouclier du flanc Sud de l’Europe, plus grande profondeur de champ et base potentielle d’accueil et de débarquement des troupes de secours américaines, ont été mieux précisés. Désormais, les forces armées ont été dotées d’une vision prospective de l’avenir pour la formulation financière de leurs besoins. Le renforcement du secteur économique de la défense a été considérable. L’industrie de défense espagnole, aujourd’hui forte de 40 à 50 000 personnes, est devenue beaucoup plus efficiente. Alors que, jusqu’en 1971, le pays n’exportait aucun armement, il se place désormais entre le 11e et le 14e rang des exportateurs mondiaux. Certes l’effort de recherche et développement est encore modeste, 0,5 % du PNB en 1985, mais il est en constante progression, venant d’une base il est vrai faible (0,24 % en 1967, 0,34 % en 1974). Pourtant, estime l’auteur, l’absence d’une politique à long terme fait défaut.
L’Espagne a su rejeter ses vieux démons : l’égocentrisme, le neutralisme et le pacifisme. Elle a retrouvé sa place au sein de l’Europe qu’elle n’aurait jamais dû quitter. Son rôle de trait d’union s’affirme chaque jour davantage. Elle est, pour la France, à la fois un partenaire privilégié et une sorte de concurrent dans le monde arabe, ou en Amérique latine, où malheureusement nos positions s’effritent de jour en jour. Mais il convient de cumuler les atouts et inscrire davantage nos actions dans le cadre de la grande Europe. ♦