La guerre nouvelle
Cri d’alarme !… En effet, ce livre est comme un cri d’alarme lancé lucidement par une Européenne convaincue, Gisèle Charzat, membre du Parlement européen et auditrice de la 38e session de l’Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN).
« Oui, dit-elle, l’Europe est une nécessité, l’Europe se fait, l’Europe doit se poursuivre, mais ne rêvons pas dès aujourd’hui à la défense d’une Europe unie ». Sans même parler des réticences du Danemark, de la Grèce et de l’Irlande, deux nations d’importance, la Grande-Bretagne et l’Allemagne sont encore sollicitées l’une par l’Ouest, l’autre par l’Est. Nations amies certes, dont le loyalisme ne peut être mis en doute, mais qui ne semblent pas disposées à jouer le jeu jusqu’au bout pour des raisons que nul ne saurait leur reprocher. Comment, dès lors, se livrer pieds et poings liés à un système dont les partenaires ne sont pas totalement fiables ? « Face au bloc soviétique, continuons, ajoute-t-elle, à construire l’Europe, mais il n’est pas certain d’aboutir aussi vite que nous le souhaitons ».
Alors, en attendant, rapprochons-nous davantage, sur le plan militaire, des nations méditerranéennes qui sont moins sensibles aux influences venues d’ailleurs : Italie, Espagne et Portugal. « Et, s’écrie Gisèle Charzat, faisons d’abord un effort sur nous-mêmes. Non point en augmentant notre budget de la défense nationale, mais en répartissant autrement quelque quarante milliards d’investissements, en misant plus sur la recherche, l’espace, la haute technologie… Améliorons notre défense, évitons de la diluer, prenons garde aux hésitations dangereuses, voire mortelles d’États qui sont exposés aux séductions des sirènes d’outre-Atlantique ou aux tentations centre-européennes d’un national-neutralisme réunificateur ». Telle est la thèse que développe Gisèle Charzat.
Ce livre, qui est documenté et vivant, se lit avec facilité. Il apporte nombre de précisions sur les forces et les matériels en présence.
Il ne m’appartient pas de juger sur le fond : des hommes politiques, des experts militaires s’en chargeront. Il faudra se pencher sur les réflexions de l’auteur, il faudra examiner ses idées d’indépendance (qui ont une curieuse tonalité gaulliste sous la plume d’une personnalité socialiste), il faudra dissiper les craintes exprimées. Des craintes, j’en ai moins qu’elle, car je persiste à croire à la fiabilité de notre système de défense, à la valeur de nos choix et à la détermination de nos partenaires. J’ai plus confiance en notre appréhension européenne de l’avenir que d’appréhensions pour notre avenir européen.
N’empêche que cet ouvrage ne peut pas laisser indifférent. Il remet en cause, il dérange peut-être. N’appelle-t-il pas des réponses ? ♦