Menaces en Méditerranée
Jeux de go en Méditerranée orientale
Écrit par deux professeurs à l’université de Nice, ce livre passe en revue de manière descriptive et exhaustive les menaces qui s’accumulent dans la région méditerranéenne. Après une étude par régions (Maghreb, Balkans, Proche-Orient), l’ouvrage étudie les forces de déstabilisation globale (sous-développement, surpopulation, problème islamique, terrorisme), la menace soviétique et les multiples propositions d’une Méditerranée zone de paix ou dénucléarisée pour dégager une conclusion pessimiste : « Face à la stratégie globale offensive de l’URSS, les Occidentaux n’opposent en général, en Méditerranée, qu’une stratégie défensive s’efforçant de parer les coups là où ils sont portés. Cette politique se solde par un repli progressif ».
Ce n’est pas sûr et on peut au contraire soutenir que la situation de l’Otan sur son flanc Sud est aujourd’hui bien plus solide qu’on aurait pu le craindre au début des années 1970 : la diplomatie soviétique a essuyé au Proche-Orient un échec retentissant, les partis communistes d’Espagne et d’Italie n’ont pas été associés au pouvoir, le conflit gréco-turc, s’il n’a pas été réglé, n’a cependant pas dégénéré (Hérodote, XXXXV, p. 31-60). Sans tomber dans l’optimisme béat, on peut cependant dire que le bilan de la dernière décennie n’a pas été trop catastrophique pour l’Occident, du moins en ce qui concerne la rivalité Est-Ouest. La montée de l’intégrisme islamique a de loin été – et reste – plus menaçante.
Au-delà de ce désaccord sur l’une des conclusions, on peut surtout reprocher à ce livre de négliger la dimension proprement maritime de la Méditerranée. Le titre devrait plutôt être « Menaces autour de la Méditerranée ». La première partie sur le théâtre maritime méditerranéen est vraiment trop courte (35 pages) de même que la présentation d’ensemble de la zone méditerranéenne (le vieux livre de Hummel et Siewert : « La Méditerranée », traduction française, Payot, 1937, reste à cet égard un modèle de synthèse géopolitique, avec une dimension historique très intéressante).
On peut adresser le même reproche au livre écrit par quatre journalistes de Radio France Internationale sur la Méditerranée orientale. Lui aussi très précis et bien documenté, il complète utilement le précédent en apportant de nombreux renseignements supplémentaires, par exemple sur « l’épine chypriote » qui fait l’objet d’un très intéressant chapitre. Mais le chapitre VII sur « le champ de manœuvres » est trop bref. Il consacre cependant quelques pages à la présence française, avec une conclusion pessimiste qui est aussi celle de Claude Nigoul et Maurice Torrelli : la position de la France régresse faute d’avoir les moyens de sa politique, peut-être aussi faute d’avoir une politique. Sur un registre différent, ces auteurs rejoignent le cri d’alarme lancé par Jean-Pierre Peroncel-Hugoz dans son superbe et terrible « Une croix pour le Liban » (Lieu commun). Deux livres utiles que l’on souhaiterait prolongés par une réflexion plus « géopolitique ». ♦