Valmy ou la défense de la nation par les armes
La Fondation pour les études de défense nationale vient de publier un ouvrage dont l’intérêt dépasse largement le champ d’application de l’histoire militaire : « Valmy ou la défense de la Nation par les armes » n’est pas seulement une fresque très vivante de la naissance des armées de la République, où se pressent les figures, hautes en couleur, d’officiers et de soldats de l’ancien régime, des volontaires de 1791 et, en plus petit nombre, de 1792 ; ce n’est pas non plus uniquement un tableau, si objectif et documenté qu’il soit, des circonstances qui ont entouré la préparation et la conduite d’une bataille décisive ; c’est aussi et peut-être surtout un ouvrage de réflexion sur les deux thèmes suivants : le premier, que les vicissitudes de l’histoire imposent dans les époques troublées aux hommes qui sont à la croisée des chemins le seul fil directeur de leur jugement personnel ; le second, qu’une fois pris le recul par rapport aux événements du moment, un grand pays a le devoir d’assumer la totalité de son passé.
Bien entendu, chacun lira le livre du général Hublot en faisant, selon ce qu’on appelle aujourd’hui sa propre sensibilité, le rapprochement qu’il voudra avec des périodes plus récentes. Mais tous ressentiront une émotion profonde à l’égard de ces chefs de guerre qui, en dépit d’une attitude le plus souvent dictée par le seul souci de défendre leur pays, ont été suspectés, et, pour certains d’entre eux, conduits à l’échafaud lorsque les excès l’emportèrent sur la raison. On objectera que d’autres, et non des moindres, avaient des motifs moins nobles… Quoi qu’il en soit, si Valéry eut raison de dire que « l’histoire donne des exemples de tout », ce que le livre justifie, son propos, qui suit le précédent, à savoir « qu’elle rend les nations insupportables et vaines », serait plutôt mis en échec par le général Hublot. Il tient en effet le juste milieu entre les esprits partisans de « droite » et de « gauche ». Aucune victoire des armées de la France n’eût été possible sans l’effort de modernisation de nos forces, accompli sous la monarchie dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, effort accompagné d’une grande richesse de réflexion dans les domaines de la « petite » et de la « grande » tactique. Gribeauval, Guibert, ont forgé l’outil et orienté la pensée d’une armée qui n’est pas partie du néant. Mais celle-ci a été valorisée par une idée-force, par une passion que le cri de « Vive la Nation » lancé par Kellermann a symbolisée. L’analyse des deux facteurs du succès est conduite ainsi par le général Hublot avec un équilibre et une compétence tels qu’on lit ce livre comme on voit une pièce de théâtre bien agencée, avec le sentiment de vivre au milieu des acteurs. Enfin, l’ouvrage ayant Valmy pour sujet, l’action ultérieure de Dumouriez est à peine évoquée ; nous pouvons donc admirer le talent, je dirais presque le génie, d’un homme qui, face à une armée prussienne réputée invincible, ne doutait pas de la victoire, si conscient qu’il eût été auparavant des insuffisances et de l’impréparation de nos forces, situation qu’il avait largement contribué à redresser.
Je dirai pour terminer qu’en bon Champenois, le général Hublot nous communique, par d’excellents croquis ou cartes, sa connaissance du terrain, et qu’il nous décrit in fine d’une plume alerte les généraux qui furent les acteurs de ces combats. Il me reste à souhaiter que ce beau livre ait la diffusion qu’il mérite.