L’Afrique en panne. Vingt-cinq ans de développement
L’Afrique serait-elle éternellement mal partie, comme l’avait prédit, dès le début des années 1960, René Dumont ? Le maigre bilan de l’Assemblée générale extraordinaire de mai 1986 consacrée au développement de l’Afrique inciterait une nouvelle fois à le penser, comme les cris d’alarmes répétés d’Edouard Saouma. directeur exécutif de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Pourtant tout espoir n’est pas mort, indique Jacques Giri, qui allie une profonde connaissance du terrain depuis 1957 à une analyse fouillée des forces et faiblesses de l’Afrique. Celle-ci, tout d’abord, n’a pas sombré : certes elle a connu bien des fléaux : guerres, famines, déplacements de populations, querelles intestines, instabilités gouvernementales ; mais le ressort n’a pas été brisé, même si la société africaine tend de plus en plus à se replier sur elle-même, ses traditions, son niveau traditionnel de subsistance. Mais que peut-il sortir de tous ces constats qui se succèdent ? L’auteur le souligne avec force : « Des organisations africaines ont bien publié des documents qui sont plus souvent une recherche de boucs émissaires et une collection de résolutions énergiques rarement suivies d’effets que des réflexions en profondeur sur la situation et l’avenir du continent ».
Muni de ce constat, après avoir décrit les principaux secteurs de l’économie africaine, il ne mâche pas ses mots. Les élites africaines lui paraissent enfermées dans un tel réseau de contraintes, sont soumises à de telles pressions que les décisions qu’elles prennent sont presque essentiellement guidées par des considérations à court terme. Aucune des analyses ou des politiques préconisées pour l’Afrique ne prend en compte le secteur informel qui pourtant témoigne du dynamisme des populations. D’où le vœu qu’il formule pour la formation de coalitions, dans lesquelles les producteurs agricoles seraient aussi inclus et qui orienteraient les politiques vers une moindre ponction des revenus ruraux et vers des taux de change moins surévalués, plus favorables aux exportateurs de produits tropicaux et moins aux consommateurs de biens importés, en particulier d’aliments (p. 182). Au-delà de la situation actuelle, il lui paraît donc possible d’aider mieux l’Afrique et de cesser d’accroître des infrastructures et des investissements sociaux qui ne sont souvent utiles qu’à une minorité et qui sont devenus disproportionnés avec la base productive. Telles sont quelques-unes des remarques de bon sens de Jacques Giri. Mais le bon sens serait-il encore la chose au monde la mieux partagée ?