De la révolte à la révolution
L’auteur de ce volumineux ouvrage a, au cours d’une carrière particulièrement riche en responsabilités, tenu plusieurs fois des postes clés en Algérie où il a été en mesure de pressentir, puis de juger les événements qui ont fait basculer ce pays hors de la mouvance française.
En effet, une nuit de Toussaint il y a plus de trente ans, quelques hommes, les armes à la main, avaient entrepris de séparer l’Algérie de la France. Dans le monde et surtout en métropole, on parla de surprise, d’inconscience, de poussée de fièvre destinée à secouer la tutelle de la République, d’autant plus que celle-ci venait de perdre définitivement l’Indochine.
M. Jean Vaujour, de par ses fonctions à l’époque, apporte le témoignage de l’acteur qu’il fut. Grâce à ses services de renseignements, il put pénétrer les instances du mouvement nationaliste, suivre pas à pas les préparatifs de l’action armée, informer le gouvernement, alerter les personnalités françaises, annoncer l’imminence des troubles.
Aujourd’hui encore, beaucoup d’éléments décisifs de cette situation en Algérie en 1954 restent ignorés ou obscurs, et nombreux sont ceux qui ne s’expliquent toujours pas comment et pourquoi s’est faite cette rupture avec la France. Ce livre, par sa relation de faits peu ou mal connus, par l’analyse des pensées et des décisions des acteurs, par ses révélations et sa documentation sur la préparation et les débuts de cette guerre, apporte des informations très complètes sur ce drame national excessivement douloureux.
Nous avons en outre personnellement apprécié deux jugements de M. Jean Vaujour. Le premier est un éloge à Napoléon III qui semble avoir été le seul à concevoir un « royaume arabe d’Algérie » compatible avec une présence française, formule qui aurait peut-être permis d’éviter les erreurs commises ultérieurement, mais face au grand mouvement d’indépendance qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, rien n’est assuré. Le second est un plaidoyer pour l’œuvre coloniale de la France, une sorte de « réhabilitation » que nous avions déjà perçue dans l’excellent livre d’André Teulières sur l’Indochine.
Quelque trente ans après ces événements qui conduisirent les Algériens à l’indépendance, qu’ajouter ? Celle-ci, comme toujours, s’est manifestée par une exultation – une sorte d’état de « grâce » – qui a d’abord estompé les réalités et surtout les difficultés, et ensuite ? La réponse, aujourd’hui, est moins exaltante !