Space Weapons and US Strategy: Origins and Development Croom
La militarisation de l’Espace est déjà ancienne. Le potentiel militaire des satellites a été perçu et étudié dès 1945. Au début des années soixante, des satellites militaires, aux fonctions les plus variées, ont été lancés régulièrement par les deux grandes puissances. Plus de 2 000 ont été placés depuis, sur orbite. Alors que le montant officiel des dépenses soviétiques, en ce domaine, n’est pas connu, le ministère de la Défense américain a dépensé, entre 1959 et 1984, plus de 70 milliards de dollars (courants). En 1984 ; son budget militaire spatial atteignait 10,5 Mds, soit plus de la moitié du budget spatial américain.
Un épais secret entoure les activités militaires spatiales des deux Grands : mais, alors que les États-Unis en divulguent soigneusement certains éléments, l’URSS refuse de reconnaître même l’existence d’une composante militaire de son programme spatial. Pourtant, les applications militaires de l’Espace ont été répertoriées : reconnaissance photographique et électronique, océanique, détection nucléaire, détection du lancement des missiles, communications, navigation, usages météorologiques…
Une telle variété d’usages, comme l’importance cruciale de l’Espace dans la conduite de toute opération ou tout engagement d’envergure, conduit à en faire le principal enjeu de demain. Le rêve d’en faire un sanctuaire ou une zone dépourvue de compétition militaire a vécu depuis longtemps. Depuis des années, les deux Grands développent activement des systèmes antisatellites (ASAT). Mais, l’intérêt, qui fut porté à cette composante des forces stratégiques, n’a pas été le même chez chacun d’entre eux. Ce sont les États-Unis, contrairement à une opinion commune, qui ont testé les premiers une arme antisatellite, bien avant le premier essai soviétique identifié.
Plus encore, deux systèmes ASAT terrestres ont été déployés dans le Pacifique dans les années 1960. Bien que les essais de ces deux programmes aient cessé vers 1970, l’un est resté opérationnel jusqu’en 1975. Même lorsque l’URSS commença les essais d’un satellite-intercepteur en 1968, les États-Unis montrèrent curieusement peu d’intérêts et continuèrent de réduire leurs programmes d’ASAT. L’URSS interrompit à son tour ses essais et ne les reprit qu’en 1976. Un an plus tard, les États-Unis firent savoir que l’URSS possédait un satellite-intercepteur « opérationnel ». Ceci stimula la reprise de leurs efforts en matière d’ASAT, système qui devait être opérationnel à la fin de la décennie. Mais, les deux puissances se lancèrent aussi dans le développement d’armes plus « exotiques » utilisant le laser ou le rayonnement renforcé. Les armes à énergie dirigée (Directed Energy Weapons, DEW) pouvaient à la fois servir d’armes antisatellites ou de défense contre les missiles balistiques (BMD). C’est à ce deuxième usage que s’est référé le président Reagan dans son fameux discours du 23 mars 1983 qui a lancé son Initiative de défense stratégique (IDS).
L’auteur retrace ces différents épisodes avec minutie, en exposant à chaque étape l’état de la pensée stratégique américaine, les rapports avec l’URSS, comme le développement des techniques. Il ne dissimule pas le fait que la compétition dans l’Espace va ouvrir une nouvelle phase dans la course aux armements et que cela portera un rude coup au processus de contrôle de ceux-ci ; mais, n’en a-t-il pas été de même lors de chaque percée technologique ? C’est, en définitive, aux pouvoirs politiques de créer les conditions d’une confiance mutuelle.