Liban, guerres ouvertes, 1920-1985
Expliquer le Liban en quelque 200 pages, c’est la tâche, apparemment impossible, à laquelle s’est attachée Claire Brière. Elle en est venue à bout et son livre, nourri de sources classiques et d’enquêtes de terrain, sera utile à tous. Certains découvriront avec surprise que le Liban dut longtemps sa survie à la complicité des Druzes et des maronites et à l’équilibre, toujours précaire, des féodalités batailleuses.
D’autres, intrigués par la discrétion des sunnites, comprendront que le goût des affaires et leurs liens diversifiés avec les pays arabes les tiennent à l’écart des luttes miliciennes. On se souviendra que l’inquiétante montée des chiites, revanche des déshérités, fut suscitée il y a 20 ans par Moussa Sadr, mollah très iranien. Quant aux Chrétiens – pour lesquels l’auteur n’a pas trop d’indulgence – on les verra lutter de bec et d’ongles contre la servitude qui les menace.
La « décomposition » actuelle du Liban est décrite avec un réalisme triste : des enfants naissent et grandissent dans l’innommable capharnaùm de Beyrouth-Ouest, où se côtoient milices de tous bords et bandes canailles, cependant qu’un terrorisme infiniment terrifiant tire sa perfection de n’obéir à aucune logique.
Devant ce répugnant spectacle, on rêve au temps du mandat français et au travail fécond qui, en 1926, avait donné au Liban la seule constitution démocratique qui soit en pays d’islam. Non sans amertume, on évoquera avec l’auteur l’intervention américaine de 1958 : elle fut le point de départ de quelques précieuses années de paix, sous l’autorité ferme et éclairée du général Chéhab. L’incongruité de cette évocation donne la mesure de l’impuissance des puissants d’aujourd’hui.