Chrétiens devant la paix
Le but que s’est fixé le père Mellon dans cet ouvrage n’est pas tellement de réveiller « les dynamismes de la paix » que d’aider à éviter les confusions. « Il faut, écrit-il, patiemment s’informer, analyser, tenter de comprendre, situer les enjeux, repérer les dangers. Bref, il faut faire œuvre d’intelligence et de discernement ». Aussi un bon tiers de son ouvrage expose « des faits, des chiffres, des évolutions historiques ». On retrouve cette même exigence d’information en ce qui concerne la réflexion spécifiquement chrétienne dont il fait une rétrospective visant à éclairer le débat actuel dont l’exposé tient la fin du livre.
Tous ces problèmes complexes sont présentés de façon très claire et les arguments « pour » et « contre » sont donnés d’une façon qui cherche à être impartiale. Mais le père Mellon ne peut se détacher complètement de ses convictions personnelles qui en ont fait un animateur du Comité pour le désarmement nucléaire en Europe (CODENE) et du Mouvement pour l’alternative non violente (MAN). Ces appartenances, non signalées par l’éditeur, feraient mieux comprendre certaines omissions comme celles des guerres, en général révolutionnaires, qui ont fait des millions de morts depuis 1945, certaines références orientées et l’opinion, très discutable, que la dissuasion conduit droit à la guerre. La citation du président Reagan sur la guerre limitée est amputée de la partie où apparaît l’intention dissuasive.
L’obsession du père Mellon semble être le montant très élevé des dépenses militaires dans le monde qui est pour lui un mal absolu. Il cite en particulier la déclaration de l’épiscopat catholique de la République fédérale d’Allemagne qui parle des « deux dangers menaçants », dont l’un vient des systèmes totalitaires et l’autre de la course aux armements. Mais si on se rapporte au texte donné en annexe, on s’aperçoit que les évêques allemands attirent surtout l’attention sur le surarmement dont il faut diminuer les risques « sans mettre en péril notre propre sécurité ». Leur position est donc infiniment plus modérée que celle qui est mise en évidence dans le livre du père Mellon. Ils insistent d’ailleurs sur « l’objectif de la contribution militaire à la sauvegarde de la paix » qui doit « être, dans les conditions régnant actuellement, non pas de faire la guerre, mais d’empêcher la guerre, toute guerre ».
En définitive, s’il apparaît que le père Mellon a fait de louables efforts d’objectivité, et nous le connaissons assez pour reconnaître son honnêteté, il semble bien qu’il n’ait pas tout à fait atteint le but qu’il s’était fixé. Mais quand, dans sa conclusion, il nous invite à étudier les solutions dites « alternatives », nous en connaissons assez de ces solutions pour suivre ce conseil, car c’est probablement la meilleure méthode pour les démystifier.