Les Allemands au cœur de l’Europe
Ce livre collectif a été conçu et réalisé par Renata Fritsch-Bournazel, chargée de recherches au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) de la Fondation nationale des sciences politiques (FNSP). Spécialiste des rapports entre l’Allemagne et l’URSS, on lui doit deux ouvrages remarquables : Rapallo, naissance d’un mythe (Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1974, 260 pages) et L’Union soviétique et les Allemagne (Presses de la FNSP, 1979, 259 pages). Tous deux ont été traduits en Allemagne fédérale (RFA) où ils ont été accueillis très positivement par les spécialistes.
Dans son introduction, Renata Fritsch-Bournazel souligne que le mouvement protestataire ouest-allemand a introduit un élément nouveau dans le débat sur le rôle de l’Allemagne en Europe en liant la lutte pour le désarmement à la réalisation de l’unité allemande. Elle constate que les Français ont du mal à appréhender l’inquiétude des Allemands devant le développement du nucléaire civil et militaire. « Par un singulier paradoxe, la crainte du neutralisme aurait ainsi supplanté, dans une partie de l’opinion française, la peur du militarisme allemand ».
Jim Cloos, qui après des études à Paris travaille dans le service diplomatique du Luxembourg, examine les rapports entre la République fédérale et l’intégration européenne. Il montre que la fidélité à l’idée européenne n’exclut pas de nombreuses critiques contre celle-ci et que l’Europe ne répond pas entièrement aux aspirations allemandes en matière d’économie et de sécurité. Il en tire la conclusion que les rapports franco-allemands resteront difficiles. « Beaucoup d’interrogations subsistent ; si la coopération franco-allemande est un acquis, elle demeure aussi un défi ».
André Brigot travaille à l’Institut de polémologie, il enseigne les sciences sociales et économiques. En traitant des rapports entre la RFA et les États-Unis, il explique les diverses raisons qui, dans la politique de sécurité ont créé des incertitudes entre Allemands et Américains. La montée du mouvement contestataire et les remises en cause sociales et culturelles en Allemagne ont accentué les motifs de divergence. « La relation avec les États-Unis, qui demeure privilégiée, semble en effet avoir atteint un seuil de productivité ».
Renata Fritsch-Bournazel brosse ensuite le tableau très complexe des rapports entre la RFA et l’Europe de l’Est. Elle étudie avec minutie les variations de la position soviétique sur la division de l’Allemagne ainsi que les diverses phases qui ont marqué les relations avec le camp socialiste. Il en ressort très clairement que depuis la guerre le problème allemand est au cœur même des préoccupations et des ambitions de l’URSS en Europe. La persistance du problème allemand et la spécificité des intérêts communs aux deux États allemands justifient une interrogation sur les éventuelles alternatives à l’ancrage à l’Ouest. Les relations avec l’Occident n’ont plus pour la RFA la même priorité exclusive qu’autrefois.
Renata Fritsch-Bournazel est frappée par la situation « peu enviable » de la RFA car cet État « a besoin du soutien occidental pour mener une politique qui risque par moment de la placer en porte à faux au sein de l’Alliance occidentale ». Malgré les incertitudes et les déceptions de Bonn, la capitale fédérale, l’auteur affirme avec détermination que l’ancrage de la RFA dans le cadre de l’Europe communautaire et de l’Alliance atlantique demeure très solide. « C’est seulement si ce cadre venait à disparaître qu’il pourrait y avoir à nouveau un problème allemand aux lendemains incertains ». ♦