La métamorphose
Depuis Le Monde rompu, paru en 1976, l’on savait que Pierre Mayer est l’un des meilleurs observateurs de la scène internationale. Avec son second livre, La Métamorphose, cette réputation se trouve confirmée. Ce nouvel ouvrage résulte d’une étude sur le multilatéralisme et le bilatéralisme qui fut commandée à l’auteur par l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Le multilatéralisme économique est né après 1945 des excès du bilatéralisme de l’avant-guerre. Bretton Woods dans le domaine monétaire, le Gatt dans le domaine commercial, en sont les manifestations les plus éclatantes. L’organisation du monde, telle qu’elle s’est développée jusqu’au milieu des années 1960, a permis une croissance forte et régulière assortie d’une inflation très faible. Cette belle construction a commencé de se disloquer avec le déficit croissant de la balance des paiements américaine et le refus du gouvernement américain de financer la guerre du Vietnam par l’impôt. La double dévaluation du dollar en 1971 puis l’accord de la Jamaïque en 1975 institutionnalisant, si l’on peut dire, le système des changes flottants a sonné le glas de la stabilité. Après les désordres monétaires la crise du Gatt, décalée de quelques années, a montré à son tour que le multilatéralisme avait vécu. Quelles sont les raisons profondes de ce bouleversement ? Derrière la trame des événements, Pierre Mayer découvre lucidement la logique sous-jacente du système multilatéral. La crise du multilatéralisme n’est rien d’autre qu’une crise de légitimité. Celle-ci était fondée sur la disparition des États-Nations et sur « l’exceptionnalisme » des États-Unis. La suprématie américaine a aujourd’hui disparu. Peut-être pas autant que le pense Mayer, mais c’est en fait qu’aujourd’hui l’Amérique a subi une perte de puissance relative et qu’elle devient de plus en plus une nation comme les autres. Parallèlement, les pays, hier exsangues et, par la force des choses, à la remorque des États-Unis, sont désormais en quête d’une nouvelle légitimité.
Comment, dans ces conditions envisager l’avenir ? C’est l’un des grands mérites de Pierre Mayer d’écarter courageusement les remèdes miracles auxquels se raccrochent trop facilement les hommes politiques, pour concentrer sa réflexion sur le domaine du possible. On laissera au lecteur le soin et le plaisir de découvrir les remèdes proposés. Peut-être ces remèdes apparaîtront-ils à certains observateurs timorés encore trop chimériques. Une chose est sûre. Tous s’accorderont pour saluer l’ambition des thérapeutiques et la vigueur des convictions. ♦