La Grande histoire des Francais sous l'occupation - Vol. 5 : Les passions et les haines – avril-décembre 1942
Objet de ce 5e tome d’une œuvre monumentale en sept volumes consacrée à la Grande histoire des Français sous l’Occupation, l’année 1942 est celle du tournant de la guerre. Après les échecs de la Wehrmacht devant Stalingrad et El Alamein, la défaite de l’Allemagne hitlérienne se profile à l’horizon. Ce qui, pour nous, est inscrit dans la logique de l’histoire n’était pas évident à l’époque. Ce l’était moins encore pour un homme comme Laval, aveuglé par sa passion politique et sa peur viscérale du bolchevisme, et qui croit pouvoir finasser avec l’occupant, dont il dira bientôt souhaiter la victoire.
1942, c’est aussi l’année où le pays se détache du régime de Vichy. Les yeux s’ouvrent peu à peu sur la pente fatale où l’entraîne Laval après son retour au pouvoir, en avril. Le maréchal avait pourtant assuré à ses collaborateurs qu’il ne reprendrait jamais l’homme qu’il avait congédié en décembre 1940 ; sous la pression des Allemands, il va céder ; il lui confiera même les pouvoirs accrus qu’il réclame et il acceptera la liste de ministres qu’il lui présente.
Le deuxième épisode dramatique de cette année, la prétendue « relève » des prisonniers, fait l’objet d’une étude approfondie de la part de l’auteur, qui montre le mécanisme implacable auquel le régime de Vichy, malgré le combat retardateur de Laval, ne pourra échapper. Progressivement, en effet, la relève volontaire, qui fait fiasco, fait place à des mesures d’autorité jusqu’au moment où, en février 1943, la loi d’airain du STO (Service du travail obligatoire), le service du travail obligatoire, s’appliquera brutalement mise en œuvre par le gauleiter Sauckel, qui a déjà obtenu 240 000 travailleurs sur les 250 000 réclamés jusqu’à décembre 1942.
Autre déportation, à laquelle, hélas, certains Français prêteront la main, celle des Juifs, d’abord recensés, puis marqués de l’étoile jaune, internés et enfin déportés vers les camps de la mort dans des conditions épouvantables. Dans les pages émouvantes qu’il consacre à ce drame affreux, Henri Amouroux cite aussi les noms de quelques-uns de ceux qui, pour l’honneur de l’humanité, eurent le courage de se dresser contre cette ignominie. Là encore il montre comment ce drame accentua la cassure entre le régime de Vichy et l’opinion.
L’événement capital qui consacra cette rupture c’est évidemment le débarquement allié de novembre 1942 en Afrique du Nord et ses séquelles : l’invasion de la zone libre, la dispersion sans coup férir de l’armée d’armistice, la saisie de ses armes et le pillage de ses dépôts, la tragédie enfin du sabotage de la flotte, le 17 novembre, à Toulon. Avec l’engloutissement de 230 000 tonnes de bâtiments qui eussent été un précieux appoint à la victoire de la France de 1945, sombra également le régime de Vichy. Ce désastre pouvait-il être évité ? Comment en est-on venu à ce gâchis ? L’auteur, là encore, démontre en détail le processus fatal qui y a conduit. Il apporte également des éléments de réponse à la question qui fut alors et restera encore longtemps sur toutes les lèvres : pourquoi celui qui fut le vainqueur de Verdun n’a-t-il pas saisi cette ultime occasion de dire non à la déchéance et de s’envoler vers Alger, en faisant du même coup l’unité des Français ?
S’agissant de l’histoire des Français, et par conséquent de leur comportement et de leurs réactions face aux événements de la guerre, l’ouvrage, comme les précédents, fait appel à une multitude de témoignages, depuis ceux des plus humbles jusqu’à ceux des personnages ayant joué un rôle éminent ; il puise dans les archives des chancelleries comme dans la presse de l’époque. Ce faisant, il restitue une ambiance et confère au récit historique un caractère vivant, sans pour autant se départir d’une parfaite objectivité. ♦