Les Caraïbes : des brulots sur la mer
Les Caraïbes sont devenues à partir de 1979 l’un des points chauds de la planète, déclarait en mars 1981 Cyrus Vance (Secrétaire d’État de 1977 à 1980). Depuis, le pouvoir changeait de main au Nicaragua et la guerre civile faisait rage au Salvador. La tension autour de Cuba ne diminuait guère depuis l’accession de Reagan à la présidence des États-Unis. L’ouvrage de Jean-Jacques Seymour et Hector Elisabeth s’en tient pourtant à la seule région Caraïbe. Cet arc de cercle d’îles qui s’étirent de la Floride au Venezuela constitue en effet un ensemble particulier. Véritable mosaïque ethnique, linguistique, économique et politique, la Caraïbe est marquée par son passé d’économie de plantation, son caractère insulaire et ses caractéristiques de ses micro-États.
Outre sa position stratégique, la région compte par l’importance de ses raffineries de pétrole situées aux Bahamas, à Trinidad, à Sainte-Lucie et dans les Antilles néerlandaises d’Aruba et de Curaçao.
Quelques exemples illustrent le processus de déstabilisation en cours à partir de 1979. Il a commencé par le coup d’État du 13 mars 1979, lorsque l’excentrique Premier ministre de la Grenade, Sir Eric Gairy est démis par Maurice Bishop, avocat et leader d’un mouvement prônant le socialisme à l’africaine proche de Cuba et du camp socialiste. Dans la Dominique voisine, des élections balayent le système politique travailliste en place depuis plus de quinze ans. Ces ondes se propagent dans la région. Haïti, où le pouvoir de Jean-Claude Duvalier fait l’objet d’une contestation croissante, où une immigration (boat people) marque l’échec du régime. En Guyana, le pouvoir des Forbes Bornham est de plus en plus critiqué après la tuerie collective du Temple de Dieu en 1978. En Jamaïque, chute de la bauxite, violence cubaine et effondrement économique créent un malaise croissant. Les élections, en octobre 1980, amènent la victoire du leader travailliste pro-occidental Edward Seaba contre le Premier ministre socialiste Michaël Manley, proche de Cuba, preuve, somme toute, que la démocratie n’est pas morte dans la région.
Aussi, le tableau politique de la région ne présente pas finalement des dangers particuliers. Seuls trois États, Grenade, Sainte-Lucie et la Dominique, ont choisi des régimes teintés de « castrisme » réaction au demeurant contre des structures socio-économiques largement figées et profondément inégalitaires. L’influence soviéto-cubaine reste donc limitée et, en dehors des États-Unis, puissance dominante, d’autres pays y jouent un rôle stabilisateur réel (Canada. Japon ou Venezuela).
La Caraïbe, qui comporte de nombreux éléments d’identité (exiguïté des territoires, subordination économique, instabilité du tissu social, pluralisme culturel), parviendra-t-elle à s’unir au-delà des tentatives partielles d’union douanière que sont le CARIFTA (Caribbean Free Trade association) et le CARICOM (Caribbean Community) ? Ces perspectives sont peut-être prématurées et, au-delà d’une certaine sensibilité commune, surtout au plan culturel, ces États sont appelés à affronter de manière isolée les intempéries de la nature ou les compétitions ou convoitises des Grands. ♦