Histoire mondiale de la propagande, de 1933 à 1945
Ce livre de l’encyclopédie visuelle Elsevier est l’adaptation française d’un ouvrage édité en 1976 par Chelsea House Publishers, New York, sous le titre : Propaganda: the art of persuasion in World War II. Le colonel Rémy lui a donné une préface où il insiste sur l’existence d’une nouvelle forme de guerre, qui est permanente, et où, dit-il, l’Occident apparaît comme perdant parce que son vocabulaire est constamment déformé.
La présentation générale de ce livre est remarquable. Chacun des sept chapitres est constitué d’un texte abondamment illustré en noir et blanc, suivi d’une série de planches en couleur (vingt-quatre pour le premier chapitre), en général consacrées aux affiches de propagande correspondant au sujet traité. Ces sept chapitres étudient successivement la propagande nazie mise en place à partir de 1933, puis l’action menée par Mussolini dès 1923. Viennent ensuite l’étude des improvisations britanniques commençant en 1936, celle des variations de l’opinion publique américaine passant de l’isolationnisme de 1932 à l’intervention, l’examen des efforts allemands pour promouvoir un « ordre nouveau » et celui de la propagande antinazie. Le livre se termine par l’étude de « l’agit-prop » soviétique depuis 1917 et de la manière dont le Japon a mené son action depuis 1931. On voit donc que le titre français est assez inexact, autant pour la période examinée que pour les sujets traités. La France ne trouve guère sa place qu’incidemment, quand il est fait état de la résistance populaire en pays occupé, de la propagande anti-allemande à la BBC (British Broadcasting Corporation) où il est curieusement fait état de dissensions intérieures à l’équipe gaulliste, et de la presse clandestine.
Cette lacune, importante pour le lecteur français, ne doit pas cependant faire oublier la richesse de l’information contenue dans ce livre, d’origine américaine, ne l’oublions pas. On y apprend par exemple que la propagande est née en Angleterre pendant la première Guerre mondiale, sous l’impulsion de Lord Northcliffe, et que ses excès se sont retournés contre ses promoteurs. On y voit comment Goebbels a littéralement créé un personnage et une légende d’Hitler, en utilisant les démonstrations de masse, l’action sur la jeunesse, le cinéma, l’affiche et l’art nazi. Il a ainsi fabriqué une opinion publique qu’il a manipulée sans scrupule, mais sa réussite suprême aura été, « par son an sinistre, de convaincre les Allemands de poursuivre la guerre longtemps après qu’ils eussent perdu toute espérance ». Le livre ne dit pas, cependant, que Roosevelt l’a bien aidé en exigeant la « reddition inconditionnelle » des pays de l’Axe. Pour l’Italie, il apparaît que son premier propagandiste de génie a été Gabriele d’Annunzio. dont Mussolini reprend les procédés. À partir de 1937, le fascisme s’organise sur le modèle allemand sans pouvoir atteindre sa redoutable efficacité ni sa dureté, et il se heurte à l’opposition de l’Église catholique. Une « vantardise irréparable » ruinera une crédibilité entamée par les revers militaires. De son côté, la Grande-Bretagne commence timidement, avec le British Council pour passer, en 1937, au « Political Warfare Executive » de Bruce Lockhart, dont les premières armes sont les tracts lancés par le Bomber Command. La radio devient rapidement son moyen majeur, avec la propagande « blanche » qui s’adresse à tout le monde, et la propagande « noire » qui constitue un « tissu de mensonges » mêlant habilement le vrai et le faux, pour semer le doute, l’inquiétude et le découragement chez l’ennemi. Quant à la propagande soviétique, bien des choses sont encore valables, ne serait-ce que la distinction entre l’agitation qui s’adresse aux masses plus ou moins incultes, et la propagande destinée aux gens cultivés et qui joue sur les opinions et les idées.
Ces quelques aperçus suffisent à montrer tout l’intérêt de cet ouvrage qui, en plus de ses illustrations très soignées, soulève beaucoup de points intéressants sur un sujet encore peu expioré par des ouvrages accessibles au grand public. ♦