Avons-nous une armée qui corresponde aux objectifs de notre politique nationale et qui lui fournisse un moyen efficace de dissuasion ou d'action ? La question se pose en permanence aux hommes d'État, aux stratèges et aux citoyens, à l'occasion notamment de l'adoption des plans de développement et d'organisation de nos forces. Ancien commandant de la 1re Armée, l'auteur a cherché si l'histoire du dernier siècle pouvait fournir à ceux qui sont confrontés avec les aspects présents de cette angoissante question non pas une réponse mais un éclairage utile à leur réflexion.
Avoir l'armée de sa politique
« Avoir l’armée de sa politique », c’est une formule simple pour exprimer une règle évidente : il faut à l’État l’outil de force capable d’appuyer l’action à mener sur la scène internationale. Historiquement, ce fut une de ses raisons d’être première. Aujourd’hui, cela reste un de ses devoirs essentiels. S’il le remplit mal, c’est l’échec assuré de la ligne suivie ou son abandon, avec les conséquences les plus graves pour la nation.
La difficulté commence, et elle est immense, quand de la formulation de la règle on passe à son application. Pour le politique qui conduit la défense, pour le soldat qui prépare et met en œuvre les armes, pour le peuple souverain qui décide d’y recourir, en ces matières, comme en d’autres, il faut « savoir, pouvoir et vouloir ». Or, l’angoissant domaine de la défense est particulièrement obscur et impénétrable. Plus qu’ailleurs il est difficile d’y trouver sa voie, de choisir son itinéraire et de frayer sa route. Rien n’y avertit d’une erreur de parcours avant l’arrivée au terme, qui peut être le débouché sur une catastrophe. Faute de guide à suivre, quel comportement adopter ? Un seul s’impose : explorer systématiquement, objectivement et lucidement ce que sont aujourd’hui les besoins de la défense et les ressources utilisables, joindre à cette réflexion sur les facteurs présents l’évaluation inductive et intuitive de leur évolution possible dans l’avenir.
Est-il utile de compléter l’analyse du présent et la prospective par un retour sur le passé ? Je crois que le rappel des expériences de nos pères et de nos grands-pères n’est pas dénué de tout intérêt, si différente qu’ait été leur époque de la nôtre et plus encore de ce que sera celle de nos fils. Souvent, en effet, les malheurs de jadis dénoncent en traits de feu les erreurs à ne pas renouveler. Or, il n’y a pas de pire faute que de rééditer des recettes anciennes mauvaises en leur donnant une saveur nouvelle qui peut les faire prendre pour neuves sans qu’aient été réformés leurs vices fonciers, responsables des échecs d’hier.
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