Les chevaliers de l’apocalypse
L’ouvrage de Germain Chambost, journaliste mais aussi ancien pilote militaire qui possède une très solide expérience aérienne sur avion de combat n’est pas à proprement parler un livre à thèse venant s’ajouter à une liste déjà longue. L’hypothèse retenue pour le cadre d’action n’en présente cependant pas moins un intérêt certain, bien qu’elle paraisse aujourd’hui en contradiction avec la doctrine de dissuasion française.
L’enchaînement des événements se conjugue en effet avec la connivence des deux Super Grands pour éviter un affrontement majeur direct. Il conduit à un processus logique où l’intervention nucléaire limitée d’une puissance moyenne indépendante apparaît comme le dernier recours de l’Occident face à une menace intolérable pesant sur son approvisionnement en pétrole. Aucune doctrine n’est jamais définitivement figée et le scénario imaginé ne paraît pas totalement absurde, notamment au regard de la situation internationale actuelle. L’astuce de l’auteur est d’ailleurs de laisser le débat ouvert.
À côté de cet aspect théorique, susceptible d’animer la polémique entre spécialistes, l’intérêt de l’œuvre naît du caractère authentique des sentiments éprouvés et des faits rapportés. Le déroulement de la mission sert en réalité de support à un récit largement autobiographique faisant appel à la fois à l’expérience acquise et aux événements vécus.
Le lecteur appréciera de pouvoir pénétrer ainsi dans l’univers relativement fermé des équipages de combat. Il y rencontrera non pas des êtres exceptionnels, mais des hommes dans leur ordre de vie particulier, avec des petits problèmes domestiques banals, avec leurs habitudes, leurs tics, mais très unis par des liens que seule une longue carrière commune peut tisser. Ces hommes qui se comprennent à demi-mot sont avant tout humains. Le sens du devoir, le courage, la confiance mutuelle n’arrivent pas à masquer les sentiments profonds desquels la peur, parfois la lâcheté et la conviction de l’absurde ne sont pas absents.
Ces professionnels, ces bons artisans comme se plaît à les qualifier Germain Chambost, donnent le meilleur d’eux-mêmes à leur métier, quelles que soient les circonstances. Celles-ci s’appellent Maroc en école de pilotage comme moniteur ; Reggan pour les premiers essais nucléaires français au Sahara : Algérie pour les opérations de pacification avec leur cortège de bavures regrettables. Ces circonstances amènent l’auteur à réfléchir sur le sens de la vie, de l’histoire, sur le métier des armes et provoquent des prises de position affirmées non dénuées d’intérêt.
Cet ouvrage sans prétention démesurée est agréable à lire. Le récit est alerte et l’intérêt se maintient jusqu’à la dernière page. Il intéressera le non initié qui découvrira un monde nouveau, ainsi que le lecteur averti qui y trouvera des éléments de réflexion. ♦