Postures for Non-Proliferation
Officiellement anonyme, comme l’ensemble des publications de l’Institut de recherche pour la paix internationale de Stockholm (le SIPRI), celle-ci a cependant une rédactrice unique : le Dr Schoettle, visiting scholar au SIPRI, puis attachée à des organisations réputées pour se consacrer sérieusement aux problèmes internationaux. Un tel background garantit à l’ouvrage crédibilité dans le choix des références et objectivité dans l’exposé des doctrines. Mais ce dernier se révèle aussi comme un habile plaidoyer, sous forme de démonstration analytique, en faveur de l’une des thèses retenues. Cette prise de parti au nom de l’idéal de paix qui inspire l’action de l’Institut en rend la lecture moins sereine que s’il eût été rigoureusement neutre.
Postures for Non-Proliferation – positions pour la non-prolifération – part de la menace réelle d’une prolifération anarchique de l’arme nucléaire à travers le monde, qui a conduit à la rédaction, sous l’égide de l’ONU, d’un Traité de non-prolifération (TNP) en juin 1968, objet d’une première révision en 1975. Le Traité de non-prolifération approuvé le 12 juin 1968 par le Conseil de Sécurité de l’ONU, sous forme de résolution 255, par 10 voix à 0 et 5 absentions (France, Algérie, Brésil, Inde et Pakistan) n’a pas encore été largement ratifié. Aucun des 5 abstenant ne l’a fait et de nombreuses nations non nucléaires n’y trouvant pas de garanties suffisantes s’en tiennent toujours à l’écart. Ayant résumé les dangers de cette prolifération et surtout ses effets déstabilisants, l’auteur passe en revue les 8 objectifs majeurs – 4 militaires et quatre politiques – qui, de leur propre aveu, motivent les politiques de défense de la grande majorité des États militairement peu ou pas nucléarisés. Puis elle se livre à un exposé critique des différentes thèses, discutées lors des débats préparatoires au Traité, sur la politique mondiale à suivre pour atteindre ces objectifs sans recours à l’atome.
Elle distingue :
– d’une part, les « positions hautes », défendues essentiellement par les puissances nucléaires majeures, qui voient dans le maintien équilibré et la permanente amélioration de leurs potentiels la voie la plus sûre pour éliminer toute tentation de nucléarisation nouvelle, grâce surtout aux sécurités positives qu’elles offrent à leurs alliés ;
– d’autre part les « positions basses », adoptées par les États conscients de leur vulnérabilité et blessés dans leur amour-propre par le prestige dont jouissent les possesseurs d’armes nucléaires indépendantes ; positions adoptées aussi par de nombreuses autorités politiques ou morales, sensibles au déclin progressif d’une dissuasion nucléaire bipolaire. Avec des degrés de sévérité variés, ces thèses prévoient un ensemble de contraintes au déploiement et aux engagements nucléaires, en même temps que l’établissement d’une sorte de morale politique universelle visant à discréditer, sinon éliminer, l’atome militaire.
Un tableau présente l’avis du SIPRI quant à l’efficacité de ces positions dans la satisfaction des 8 objectifs fondamentaux ; duquel il conclut que la meilleure efficacité revient à une Position basse modifiée, c’est-à-dire modérée, laissant aux superpuissances un rôle particulier de recours. Elle lui semble donc pouvoir être acceptée par celle-ci et approuvée par un nombre élevé de nations jusqu’ici hésitantes. Elle inspirerait alors une nouvelle mouture du Traité lors de sa prochaine révision en 1980. Elle permettrait sa ratification rapide par une grande majorité des membres de l’ONU.
Il faut reconnaître la pondération et l’esprit d’apaisement qui ont guidé le SIPRI dans son choix. Mais on peut s’interroger sur le réalisme de sa thèse. Les laissés-pour-compte y sont manifestement les nations développées, au potentiel humain et économique puissant, dont le rôle international est évident, au moins à moyen terme, et dont certaines ont déjà fait l’effort de se doter d’un armement nucléaire indépendant… N’est-ce pas minimiser a priori leur vitalité, leurs capacités, leur volonté politique que de les vouer définitivement à un poids mineur dans le concert international ? Les travaux de révision du Traité prévus pour 1980 constitueront un test à cet égard.
Il reste que les diplomates ou les militaires et spécialistes qui participeront à ces travaux trouveront dans le présent ouvrage un précieux aide-mémoire, mais que l’information du grand public ne risque pas de se faire à travers la lecture de cette sévère étude. ♦