La mer confisquée. Un nouvel ordre océanique favorable aux riches ?
Après avoir rapidement posé les problèmes politiques et économiques internationaux engendrés par les possibilités actuelles et celles attendues ou prévisibles d’exploitation des ressources de la mer, fait l’historique des conférences, accords ou traités internationaux qui leur ont été consacrés depuis le début du siècle, évoqué les conflits susceptibles d’être provoqués à moyen comme à long terme par leur non-résolution. La mer confisquée propose à l’usage des pays industrialisés de moyenne puissance la substance d’une politique de la mer conciliant leurs intérêts nationaux et ceux des pays du Tiers-Monde, seule capable de rapprocher le Nord et le Sud.
Le sujet est grave et complexe. Il mérite une prise de conscience de l’homme de la rue comme la considération plus concrète du politicien ou du technocrate. Il faut la clarté d’esprit et la compétence de l’auteur pour l’exposer au public sans que la densité du propos en atténue la compréhensibilité.
Mais c’est un livre à thèse. Clairement indiquée dès l’introduction – l’exploitation des richesses maritimes profite essentiellement aux pays nantis, appauvrissant les autres, approfondissant le fossé entre le Nord et le Sud, engendrant des tensions nouvelles entre eux – celle-ci se développe tout au long du livre, mettant les grandes puissances et les pays industrialisés en position d’accusés. Elle affirme que seule une vaste « Zone internationale des fonds marins », possédée, défendue et gérée par l’ONU pourra corriger cette intolérable inégalité et remédier à cette désastreuse évolution.
Dans la mesure où un fonds commun de ressources terrestres, qu’elles soient énergétiques, minérales ou alimentaires, n’a pu être réalisé, sinon même envisagé, sous l’égide de l’ONU, dans les discussions Nord-Sud, cette thèse apparaît hardiment novatrice. Elle s’appuie sur la démocratie parlementaire des Nations unies, qui accorde, on le sait, au citoyen de Malte deux cents fois plus de poids qu’à un citoyen français et deux mille fois plus qu’à un Indien. Mais n’ayant pu jusqu’ici fonder un nouvel ordre économique ou politique mondial, il paraît hasardeux d’espérer que ce Parlement très spécial puisse fonder un ordre maritime révolutionnaire.
Plutôt que de suivre l’auteur dans ses propositions les plus originales, écoutons-le lorsqu’il attire notre attention sur des questions plus immédiates :
– sur le plan international, sur la nécessité de freiner la tendance générale des pays côtiers, pauvres comme riches, à s’approprier unilatéralement une Zone économique exclusive (ZEE) toujours plus grande de l’espace maritime, et d’organiser des structures internationales de contrôle d’une Zone internationale maritime aussi large que possible ;
– sur le plan national, sur la souhaitable centralisation des multiples affaires de la mer (pêche, aquaculture, pétrole, nodules, navigation, surveillance, pollution, défense, etc.) aujourd’hui réparties entre 15 ministères différents, sous l’autorité d’un Commissariat de l’Océan responsable devant le Parlement de la préparation et de l’exécution d’un « Plan Océan ».
Même si l’aboutissement de ces questions ne doit intervenir que dans longtemps, il ne sera jamais trop tôt pour en débattre sérieusement en France comme à l’ONU. ♦