Guerres secrètes en Indochine
La guerre d’Indochine, sous ses multiples aspects, n’a pas fini de susciter l’intérêt des lecteurs, à en juger par le nombre d’ouvrages sur le sujet qui continuent à paraître en librairie. La plupart ont pour auteurs des témoins des événements, plutôt que des chercheurs, sans doute pour quelque temps, puisque les archives officielles ne sont pas encore tombées dans le domaine public. Quelques-uns de ces témoins se limitent strictement à ce qu’ils ont personnellement vécu, mais d’autres élargissent le sujet et s’essayent, avec plus ou moins de bonheur, à de véritables synthèses historiques.
L’ouvrage d’Henri Jacquin participe, peu ou prou, à ces deux tendances. Disons tout de suite que seules les pages inspirées par la première, autrement dit les témoignages à proprement parler, présentent un véritable intérêt. Le reste ressort plutôt au genre des « considérations » personnelles, souvent imprécises, et au minimum sujettes à caution.
Retenons donc surtout les chapitres que l’auteur a consacré à ce qui s’est passé directement dans son champ d’observation, c’est-à-dire dans les domaines où s’exerçait son activité professionnelle, au cours de séjours successifs en Indochine qui durèrent au total 15 ans, entre 1937 et 1954 (qui dit mieux ?).
Le lecteur, même averti, y trouvera largement de quoi satisfaire sa curiosité sur certains aspects peu connus, et pour cause, de nos activités en Indochine – le travail des services secrets. Et non seulement celui de nos propres agents, mais de ceux des autres puissances qui avaient des raisons, avant et pendant la guerre, de s’intéresser à ce qui se passait en Indochine, afin d’essayer d’y intervenir : États-Unis, Union soviétique (URSS), Chine… pour ne citer que les principales. Il s’agissait essentiellement pour ces pays, soit de favoriser, soit de contrecarrer les ambitions et les entreprises de tel ou tel parmi les partis, groupes ou groupuscules vietnamiens qui cherchaient à modifier, par la subversion d’abord, puis par la force, le régime issu du statut colonial que nous cherchions à faire prévaloir. Henri Jacquin fut, par moments, particulièrement bien placé pour connaître les dessous de ces différentes menées et des tractations auxquelles elles donnèrent lieu. Détient-il pour autant toute la vérité sur les raisons de notre échec en Indochine ? On peut en douter.
Mais le principal attrait de son ouvrage est d’illustrer les sentiments souvent complexes, mais finalement généreux et compréhensifs qui furent ceux de beaucoup de Français d’Indochine et de la quasi-totalité de l’Armée dans leur approche psychologique du problème vietnamien. ♦