Les secrets de la banque soviétique en France
La Banque commerciale pour l’Europe du Nord (BCEN) est enregistrée par les autorités monétaires et bancaires françaises dans le groupe des banques de dépôts sous contrôle étranger. C’est la première banque étrangère en France par le total de son bilan : 14,2 milliards de francs en 1977. Sise boulevard Haussmann à Paris, elle est très respectée par ses confrères et réputée pour sa compétence. Elle assure une grande partie du financement des échanges commerciaux entre la France et les Pays de l’Est. Ses bénéfices sont importants mais non extraordinaires : 35,4 millions de francs en 1977. Au dire de ses dirigeants, elle n’échappe pas aux effets de la crise mondiale et à la hausse de ses frais généraux, ce qui lui interdit d’accroître son personnel. Ses actionnaires exigent peu de dividendes et souscrivent sans rechigner aux augmentations de capital. Elle fut l’une des toutes premières banques à participer au développement du marché des euro-devises grâce aux dollars que ses actionnaires lui avaient confiés après les avoir retirés des banques américaines. Ses employés, gradés et cadres sont dévoués et syndiqués à la CGT. Ils pratiquent l’absentéisme et se mettent en grève dans les mêmes conditions que les cadres, gradés et employés des autres banques. Rien que de très ordinaire et fort respectable. Oui, mais voilà, la Banque commerciale pour l’Europe du Nord est possédée à 99,7 % par deux banques soviétiques et J. Montaldo a mis la main sur des listings d’ordinateurs qu’elle jetait à la poubelle sans les avoir préalablement détruits. Ceci lui permet d’écrire ce livre.
Il s’agit d’un livre polémique, partial et biaisé, ce qui ne veut pas dire que les informations qu’il révèle soient fausses ou erronées. Ce livre est polémique et de ce fait se lit aussi facilement qu’un roman policier (ou d’espionnage). Avec les documents disponibles et deux années de recherches supplémentaires, l’auteur aurait sans doute publié un remarquable travail révélant effectivement le rôle et l’importance économique de la BCEN. Pour l’heure, il s’agit d’un travail partiel.
La thèse de l’auteur est que la BCEN (et, par son intermédiaire, les autorités soviétiques) contrôlent le financement du Parti communiste et de la CGT qui ne disposent de ce fait d’aucune liberté d’action et d’aucune indépendance vis-à-vis de Moscou. À chaque lecteur d’apprécier lui-même si la démonstration est convaincante, mais le biais précédemment évoqué vient du fait que cette activité de contrôle (en admettant qu’elle soit établie) ne représente qu’une petite fraction des activités de la BCEN. Les avoirs additionnés du Parti communiste et de la CGT représentent en effet 12 milliards de centimes et le total du bilan de la BCEN atteint 14,2 milliards de francs.
En dehors de la présentation toujours croustillante des comptes détenus par les nombreuses organisations qui gravitent autour du PC, par les syndicats CGT, par les comités d’entreprise de grandes sociétés, par les personnalités communistes et certains responsables du parti, ce livre ne contient pas de révélations extraordinaires.
Les dirigeants de la BCEN sont peut-être vexés de la publication de l’ouvrage, mais ils ne doivent pas en être outre mesure bouleversés. Ce livre établit, en effet, que la BCEN pratique des opérations tout à fait ordinaires en prenant parfois de grandes précautions comme tout banquier diligent ainsi qu’en témoigne le prêt personnel de 1 million de francs accordé à M. Doumeng à condition que son épouse fournisse son aval. Le véritable secret révélé par le livre de J. Montaldo c’est que la BCEN utilise correctement les fonds que le PC, la CGT et beaucoup d’autres opérateurs déposent chez elle. Le succès et le secret de la BCEN (le second expliquant le premier), c’est d’avoir un comportement en tout point similaire à celui des meilleurs banquiers américains, ouest-allemands, suisses et français. Cette révélation ne peut que faciliter l’insertion de la BCEN dans le système financier international et son acceptation par les grandes entreprises multinationales.
Communiste ou pas, votre argent m’intéresse. ♦