OVNI : l’Armée parle
Pour donner à Jeanne d’Arc la place qui lui revient bien légitimement dans la collection « Figures de proue », il a été fait appel à l’ouvrage de Lucien Fabre (1889-1952), qui fut ingénieur et homme de lettres. Il n’est pas sans intérêt de relever, comme le fait dans sa préface la savante médiéviste Régine Pernoud, que l’auteur est apparenté à l’historien Joseph Fabre, qui, député radical, puis sénateur, a proposé dès 1884 la célébration annuelle de la fête de l’héroïne du patriotisme français, ce que la Chambre se décida enfin à faire en 1920.
La même année, le Vatican la reconnaissait comme sainte de l’Église universelle, 50 ans après la demande faite par Mgr Dupanloup, évêque d’Orléans : remarquable parallélisme des démarches de l’Église et de l’État en période d’anticléricalisme et consécration de la convergence des « deux sortes de marées de charité et d’amour, dont l’une est devenue patriotisme et l’autre sainteté » pour reprendre l’expression du biographe de Jeanne.
Tout ouvrage sur Jeanne d’Arc ne peut manquer d’entraîner le lecteur vers un abîme de méditations en face de ce phénomène extraordinaire de notre histoire : l’émergence de cette villageoise de 17 ans au plus haut de la scène politique et militaire, la rencontre de l’inspiration mystique et du clair bon sens, la juxtaposition de l’attachement sans faille à la vertu chrétienne la plus authentique et la plus traditionnelle avec le dévouement passionné à une conception nationale d’allure très neuve et très moderne mais possédant des racines très profondes.
Ce qui nous paraît caractériser ce livre, c’est le souci d’expliquer le climat sociopolitique dans lequel se situe la vérité psychologique de l’héroïne. Cela nous vaut une masse un peu trop compacte de détails, dont nous ne saurions dire si leur pesanteur enrobe des découvertes intéressantes ou de « menues inexactitudes » faites par un auteur qui n’est pas, comme ne manque pas de le rappeler Régine Pernoud, un « historien professionnel ». Mais cela nous donne, de la part d’un homme qui a assisté aux conflits de notre temps entre les diverses tendances à la tractation ou à la lutte, à la collaboration ou à la résistance, un intéressant éclairage sur la France du XVe siècle traversée par les courants armagnac, bourguignon et anglais, comme la France du XXe siècle a pu l’être par d’autres idéologies et d’autres ambitions. Chacune des grandes décisions de Jeanne d’Arc répond à la situation politico-stratégique du moment : ceci, joint à son coup d’œil au combat et à son ascendant sur les chefs militaires et les soldats, classe parmi les grands capitaines celle qui n’en est pas moins, avant tout, la « sainte de la patrie ». ♦