Le temps des partisans
En 1944, le colonel Georges, alors âgé de 32 ans, était l’une des figures les plus connues de la Résistance dans le Sud-Ouest. Militant confirmé du parti communiste, meneur d’hommes audacieux et énergique, organisateur formé aux méthodes éprouvées du parti, chef indiscuté des FFI (Forces française de l’intérieur) du Lot, appelé à Toulouse à la Libération pour y être Commandant d’armes, engagé enfin sur le Front de l’Atlantique à la tête du 8e RI (Régiment d’infanterie). il aurait pu rêver d’une carrière nationale, militaire ou politique ; nombre de ses camarades l’ont tenté, certains ont réussi.
Robert Noireau, lui, menace dans sa vie au moins par les instances locales du parti, puis officiellement excommunié par celui-ci, ayant refusé la carrière militaire, et devenu gaulliste indéfectible, s’est heureusement reconverti dans l’entreprise. Il se penche aujourd’hui sur ses années de lutte partisane, et rend publique son expérience personnelle, afin d’éclairer une opinion que peuvent égarer aussi bien ceux qui cherchent à discréditer les méthodes et le bilan global de l’action de la Résistance que ceux qui démontrent que la victoire ne fût possible que grâce à elle.
Objectif atteint, peut-on affirmer. Son livre, d’une lecture aisée et attachante, nous conduit de ses dures années d’enfance en pays minier, de ses premières expériences de militant communiste et syndicaliste en région parisienne, à son repli en mission du parti, l’Armistice signée, vers la Zone libre, à son arrestation dans le Gard, à son évasion réussie vers les maquis du Lot, en 1943, où il se fixe pour y conduire l’œuvre la plus difficile et la plus exaltante de son existence.
Il nous rend concrets la rude condition des maquis à leur naissance, leurs problèmes de recrutement, de discipline, d’armement, de subsistance, de sécurité, à résoudre au départ sans aide aucune ; enfin la création, au-delà de toute idéologie et essentiellement par l’action, d’un véritable esprit de corps : il évoque la concurrence entre les mouvements, la supériorité d’encadrement et de discipline des maquis FTP (Francs-tireurs partisans) dans cette région frontière entre l’Aquitaine et le Limousin. Il restitue la montée des effectifs, des appuis et des ressources, à la mesure des espérances dans la victoire finale. Il évite l’emphase à l’égard des motivations, comme le ton épique pour rapporter les engagements militaires.
S’il laisse planer quelques doutes sur l’authenticité de quelques ralliements de dernière heure, on comprend surtout qu’il garde une haine vivace aux miliciens et aux Allemands de l’occupation, en même temps qu’une reconnaissance intacte à ses compagnons des maquis, et d’abord à ceux d’avant Stalingrad, tout maladroits, imprudents ou brutaux qu’ils aient pu être.
Les grandes causes ont besoin de légendes et d’épopées. L’histoire a besoin de documents, de chiffres, de faits précis : ce livre lui appartient. ♦