Et si nous parlions de demain
À cinquante ans, peu d’hommes politiques peuvent se prévaloir d’une carrière administrative et politique aussi riche d’expérience que celle de Jean-Pierre Fourcade : inspecteur des Finances, il a été successivement directeur général du Commerce extérieur et des Prix, directeur général au Crédit industriel et commercial, ministre de l’Économie et des Finances, puis de l’Équipement et de l’Aménagement du Territoire ; maire de Saint-Cloud, sénateur des Hauts-de-Seine, il est confronté aux problèmes qui se posent aux collectivités locales de la région parisienne.
On sait également qu’il est redevable de cette brillante carrière au fait d’avoir été distingué très jeune par le futur président de la République dont il soutient aujourd’hui l’action en tant que parlementaire, mais aussi en présidant les clubs Perspectives et Réalités et en étant vice-président de l’UDF (Union pour la démocratie française).
L’auteur se dit frappé par le décalage existant entre les discours politiques et la réalité du monde qui nous environne. Il vise ainsi sans ambiguïté ceux des hommes politiques qui raisonnent en termes de repli sur l’hexagone aussi bien que ceux qui reprennent les propositions économiques et sociales d’un Programme commun se référant à une image de l’économie française datant d’il y a vingt ans. Ce qui l’inquiète non moins ce sont les excès de la centralisation administrative et c’est le blocage de l’évolution de notre pays vers une réelle démocratie du fait de la complexité du réseau des privilèges, des rentes de situation et d’avantages divers qui maintiennent en fait les inégalités. Mais Jean-Pierre Fourcade ne se borne pas à rappeler ces maux qu’Alain Peyrefitte avait déjà dénoncés dans le Mal Français. Après une analyse détaillée de ces tares, il porte un diagnostic et propose toujours des remèdes concrets sans toutefois se faire d’illusions et en ne cachant pas qu’on ne réforme pas aussi vite des mentalités séculaires et qu’il faudra beaucoup de patience et de persévérance pour que les solutions qu’il avance commencent à produire leurs effets. Pour chacun des maux auxquels il s’attaque il donne des mots d’ordre qu’il explicite. Ainsi pour l’administration : simplifier les structures de l’appareil, freiner et décentraliser le recrutement de fonctionnaires, remettre de l’ordre dans leurs rémunérations, améliorer les relations avec le public.
Mais ce n’est pas seulement le fonctionnement interne de l’Entreprise France que vise M. Fourcade. C’est aussi le contexte international dans lequel elle agit et qui la limite. Il sait bien que la puissance d’une nation se mesure à la solidité de sa monnaie et que celle-ci à son tour repose sur deux éléments essentiels : la stabilité des institutions et l’équilibre des échanges extérieurs. S’il reconnaît l’importance à cet égard du renchérissement du prix de l’énergie, ce dernier phénomène lui apparaît beaucoup plus comme le révélateur du désordre économique mondial que comme la cause principale de nos difficultés. Il faut, bien sûr, économiser l’énergie et les matières premières, mais il faut aussi et surtout gagner la bataille des exportations et pour cela « globaliser les actions d’incitation au développement international ». Qu’il s’agisse par exemple de l’industrie aéronautique, de celle des calculatrices électroniques ou de celles de l’automobile, « il faut que toutes les activités d’amont et d’aval, depuis les bureaux d’études jusqu’aux agents de publicité, en passant par les banques, les compagnies d’assurances, les intermédiaires en transport et les services liés au commerce international, constituent des accélérateurs au développement et non des freins ».
Il est bien d’autres thèmes, également importants pour la vie des Français, que l’auteur développe : la construction européenne, à laquelle il faut, d’une part, un moteur qui doit être recherché dans l’institutionnalisation du Conseil européen et, d’autre part, une stratégie politique européenne à l’échelle du monde ; la recherche du meilleur équilibre possible de l’emploi, ce qui implique de décharger les entreprises d’une partie de leur fardeau social, de réduire les obstacles au développement des petites et moyennes entreprises et de limiter le recours aux travailleurs immigrés dans les nouveaux emplois à créer : la coopération avec le Tiers-Monde, y compris la coopération militaire, et à cet égard si M. Fourcade reconnaît qu’il faut « contrôler de manière plus stricte les transactions portant sur des matériels militaires, car il y va, dans certaines zones particulièrement troublées, de la crédibilité de l’action internationale de la France », il estime par ailleurs que « la mobilité et la puissance de feu de nos forces d’intervention (…) doivent être renforcées ».
Parmi les autres problèmes importants évoqués dans ce livre en termes simples et à la portée de tous, citons entre autres, le cadre de vie et l’urbanisme, l’inflation, la réforme fiscale, la sécurité des citoyens, l’aménagement du territoire, l’indépendance nationale et en conclusion le nécessaire consensus national. À propos de chacun des problèmes, l’auteur avance des suggestions concrètes, des remèdes de bon sens qui, « dans le cadre des institutions mises en place par le général de Gaulle, devraient permettre de rassembler à la fois les libéraux et les socialistes, les défenseurs de l’indépendance nationale comme ceux de la construction européenne ».
Voilà un grand dessein digne de rassembler tous les Français s’ils veulent bien faire taire leurs vaines querelles et donner à leur pays la force qu’il lui faut pour jouer le rôle qui l’attend dans l’Europe de demain. En tout cas les problèmes que passe en revue M. Fourcade sont bien les vrais problèmes. Il se pourrait donc que les solutions qu’il avance soient aussi les vraies solutions. ♦