Le dernier Roi des Rois. L’Éthiopie de Hailé Sélassié
L’auteur, qui fut ambassadeur à Addis-Abeba, retrace le destin glorieux et tragique du dernier monarque de l’Éthiopie. Le ras Tafari, futur roi des rois, avait de qui tenir. Il était le fils du ras Mekonnen, puissant féodal fidèle au grand Ménélik. Après la disparition de ce dernier en 1913, l’Éthiopie traverse une période troublée au cours de laquelle Tafari cheminera à travers épreuves, intrigues et honneurs avant d’être couronné roi des rois sous le nom de Haïlé Selassié en 1930. Empereur, il s’attachera à moderniser son État. Mais c’est là une œuvre de longue haleine. Or le monde va entrer dans l’ère des agressions.
L’attaque italienne contre l’Éthiopie est couronnée de succès et le négus negest (rois des rois) se réfugie en Angleterre. Entre-temps les tentatives de compromis ont échoué. La SDN (Société des nations), qui a voté des sanctions contre l’Italie, ne tardera pas à se déjuger, et l’auteur a raison de nous rappeler l’humiliante démonstration qu’elle fit de son impuissance. Réfugié, conscient de représenter la légitimité, l’empereur guette les événements mondiaux. Le 12 juin 1940 il offre de participer à la guerre contre l’Italie et le 5 mai 1941 il rentre dans sa capitale. L’autorité du souverain est rétablie, l’esclavage est formellement aboli, la monarchie de droit divin se modernise et trouve quelques limites dans une chambre des députés élue au suffrage universel. L’Érythrée est annexée. Si, pendant la guerre froide, l’empereur se range dans le camp des Occidentaux, il s’orientera peu à peu vers le non-alignement tout en conservant de bons rapports avec les États-Unis.
Les années 1945 à 1965 sont les années fécondes du règne. Le prestige de l’empereur est considérable. Mais l’apogée d’un empire n’est pas éternel. Pour Hailé Sélassié le vent commence à tourner. La soumission de l’Érythrée piétine. Le mécontentement grandit chez les jeunes Turcs de l’armée, les intellectuels et chez les populations atteintes par l’épouvantable famine de 1971 que le gouvernement impérial n’a pas su prévoir ni maîtriser. Au surplus l’empereur est las, les deuils s’accumulent autour de lui, cependant que les désordres se multiplient et que les conjurés militaires préparent leur coup d’état. De plus en plus seul, l’empereur sera bientôt destitué, puis arrêté, peut-être assassiné. La monarchie dont les origines se perdent dans la nuit des temps disparait en pleine tragédie.
Tel est le canevas sur lequel l’auteur a disposé les événements de l’histoire contemporaine d’un pays dont il a une connaissance approfondie et concrète. Son jugement sur la personnalité de Haïlé Selassié est équitable et serein. Le livre, qui exige du lecteur un certain effort d’attention, se lit cependant avec un intérêt soutenu. Ajoutons qu’il est accompagné d’utiles annexes (cartes, chronologie détaillée, etc.). ♦