Les Brigands
Frantz Funck-Brentano, mort en 1947, a laissé une œuvre historique considérable et de très grande qualité. Ancien élève de l’École des Chartes, docteur ès lettres et conservateur à la Bibliothèque de l’Arsenal, il alliait l’érudition d’un authentique spécialiste à des dons exceptionnels d’écrivain. Tous ses ouvrages sont rédigés dans un style clair et précis. La rigueur de l’expression correspond à celle de la pensée. Aucune concession n’est faite ni à la grandiloquence qui était le péché mignon des historiens du XIXe siècle, ni aux modes du jour qui influencent tellement ceux d’aujourd’hui.
Il affectionnait particulièrement l’histoire de la société française sous l’Ancien Régime et celle des mœurs de préférence à celle des institutions. Il se plaisait aussi à débrouiller les affaires un peu mystérieuses : ses études sur le Masque de Fer, sur les prisonniers de la Bastille, sur le Collier de la Reine, sont devenues des classiques. Mais sa démarche restait toujours celle d’un historien ; non celle d’un auteur de série noire. Il s’efforçait de dégager les caractères généraux d’un milieu social, plutôt que de démêler les fils d’une intrigue policière.
Plusieurs de ses ouvrages ont fait récemment l’objet de rééditions. Les Brigands est du nombre. Sans doute a-t-on pensé que les inquiétudes actuelles, entretenues par les médias, sur la « montée de la violence » en France et dans le monde, assureraient au livre une audience supplémentaire. Et de fait, on ne manquera pas de rapprocher les bandes de brigands qui ravagèrent l’Europe au Moyen-Âge et jusqu’au début du XIXe siècle, des organisations terroristes actuelles : même audace, même détermination, même absence de scrupules, même cruauté. Tout au plus constatera-t-on que les motivations revendiquées par les uns ou les autres n’étaient pas les mêmes.
Mais, bien entendu, comparaison n’est pas raison. Les personnalités des Guilleri, de Cartouche, de Mandrin et autres « chauffeurs » ne contribuent pas beaucoup, tout compte fait, à la connaissance de l’Organisation armée rouge ou des « Autonomes ». L’époque que fait revivre Funck-Brentano n’a plus grand-chose à voir avec la nôtre. ♦