La Grande Guerre
Ceci est le quatrième (et dernier ?) volume d’une série intitulée l’Évolution de la France contemporaine, dont le point de départ se situe en 1870. Il est bien évident qu’il ne reste plus grand-chose à découvrir sur cette période de notre histoire. Tout au plus peut-on varier les points de vue et les éclairages, changer de système d’orientation, privilégier certains aspects des événements, épaissir les couleurs par endroits, les diluer à d’autres… Tout cela peut être fort intéressant, mais ce n’est ni fondamental, ni vraiment important.
Ce n’est pas une raison, pour autant, de décourager par avance le lecteur. L’histoire a ceci de particulier qu’en évoquant le passé elle répond aux préoccupations du présent. L’ouvrage de Jacques Desmarest illustre bien cette thèse qui était chère à Lucien Febvre. En premier lieu, parce que son auteur n’est pas un historien professionnel, mais un haut fonctionnaire, président de chambre à la Cour des comptes, et qu’il est donc très au courant des problèmes de l’heure. Or ceux-ci, que ce soit à l’échelon des dirigeants, des cadres, ou des simples citoyens, sont aujourd’hui principalement axés sur tout ce qui concerne les structures économiques et sociales de la France et l’exercice du pouvoir. Aussi est-ce dans cette optique que Jacques Desmaret abordera les événements de la Grande Guerre. Ne consacrant que quelques rapides rappels à la conduite des opérations – qui n’intéresse aujourd’hui que les spécialistes – il nous entraînera de préférence et successivement sur le terrain économique : désorganisation de la production, déficit budgétaire, inflation, hausse des prix… ; sur le terrain social : conditions de vie des différentes classes sociales, problème des jeunes, évolution des mœurs, religion… et enfin sur le terrain de l’action des pouvoirs publics : direction des affaires politiques, exercice de l’autorité gouvernementale, rôle du parlement, influence du haut commandement… En conclusion, débordant quelque peu son sujet – mais c’est sans doute la partie la plus intéressante du livre – il retrace, en se plaçant toujours au même point de vue, le déroulement des négociations et les conditions de la paix de Versailles. Citant abondamment Jacques Bainville, il fait à peu près siennes les conclusions de cet auteur et rappelle aussi, fort opportunément, l’opposition aux clauses économiques du traité manifestée par Keynes dont c’étaient là les débuts avant le grand débat des années 1930 qui devait bouleverser de fond en comble les données traditionnelles de l’économie mondiale. Le rappel des arguments de Keynes surprendra et intéressera bien des lecteurs français. ♦