L’océan Indien
Fidèle à l’esprit de la collection qui accueille son étude, l’auteur est résolument descriptif et accorde une place prioritaire aux faits et aux chiffres. Pour succinct qu’il soit au regard des ouvrages anglo-saxons, ce livre présente l’appréciable avantage de combler une lacune de l’édition française en nous instruisant sur un sujet qui mérite attention.
Les particularités géographiques de l’océan Indien, son histoire (qui est essentiellement celle de l’implantation européenne), ses données économiques sont présentées avec clarté mais l’intérêt réel de ce livre n’est sans doute pas là. Ces pages contiennent une étude plus poussée de la situation géostratégique de l’océan Indien. Les deux tiers du livre sont en effet constitués par l’analyse des forces en présence, de leur évolution et de leurs raisons d’être. « L’après-guerre du Vietnam sera l’ère de la puissance navale… ». Or l’océan Indien offre un site particulièrement propice à une stratégie navale. D’abord parce que loin d’être une zone de paix comme le souhaitent nombre de ses riverains il est avant tout une région de cisaillements idéologiques : l’Australie, l’Inde, la Tanzanie, le Mozambique et l’Afrique du Sud le jalonnent comme autant de donjons qu’opposent aussi bien les doctrines politiques qu’économiques. De plus, comment pourrait-on négliger les îles qui parsèment cet océan et qui sont autant de refuges ou de points d’appuis pour les puissances occidentales chassées de ses rives ? Depuis une dizaine d’années l’océan Indien est donc entré dans une nouvelle phase de son histoire, celle « ou la rivalité des grandes puissances prend le relais de la domination européenne ».
Le territoire de l’URSS est vulnérable à des attaques venant de sous-marins navigant dans l’océan Indien, non point les États-Unis. On ne s’étonnera donc pas si leur double présence dans la région a des justifications différentes, leur commun souci étant la sécurité. L’auteur fournit un recensement utile des bases et des facilités portuaires dont disposent Moscou, Washington mais aussi Londres et Paris. Il présente ensuite le jeu propre des pays riverains, l’importance de leurs arsenaux et met en évidence les contradictions qui les empêchent de constituer un front uni face aux ingérences extérieures. Il faut bien se rendre compte qu’un irréductible cloisonnement écarte toute possibilité d’une cohésion régionale : s’il existe bel et bien un « monde atlantique », rien de tel dans l’océan Indien en dépit de multiples professions de foi. C’est donc une situation instable qui y prévaut avec, de surcroît, « la compétition qui oppose les grandes puissances, compétition permanente s’étendant à des domaines aussi variés que le contrôle des positions stratégiques et des roules maritimes, la mainmise sur les ressources économiques et l’idéologie. Cette compétition, paradoxalement, a été et pourrait rester à l’avenir, affirme l’auteur, un des rares facteurs stables de la région ». ♦