Le gaullisme 1940-1962
Édité avec beaucoup de soins malgré son format de poche, cet ouvrage, établi à partir d’un cours polycopié de l’auteur à l’Institut d’études politiques (IEP) de Paris en 1972, a toute la rigueur scientifique qui sied à l’enseignement : il compte, en outre, comme il se doit, des compléments bibliographiques et chronologiques, des notes et un index.
« Ce cours, précise Jean Touchard, porte sur les idées du général de Gaulle et non sur le bilan de son action ». Précision essentielle. Non seulement l’histoire politique de l’époque est supposée connue, mais dans le domaine de l’histoire des idées, l’objet des recherches de l’auteur est limité au gaullisme du général de Gaulle et de lui seul. Le contenu plus large de ce terme n’intéresse pas Jean Touchard, en particulier quand il s’applique à des personnalités et à des formations politiques qui se réclament du gaullisme, ou encore au gaullisme des masses, celui de la « Nation dans ses profondeurs » (suivant une expression chère au Général).
Dès lors, la principale question à laquelle cherche à répondre l’auteur est celle de savoir si ce gaullisme « gaullien » peut être considéré comme formant un véritable corps de doctrine, autrement dit, s’il comporte ou non une explication globale. La réponse est nuancée. Jean Touchard semble finalement assez tenté au terme de ses analyses, de voir dans le gaullisme un simple avatar du nationalisme français traditionnel, qui aurait cependant été fortement influencé et amendé, suivant les périodes, par les enseignements que le général de Gaulle tirait personnellement des événements dont il était le témoin ou l’acteur.
Pour asseoir cette opinion, Jean Touchard a eu recours à une véritable enquête psychologique, sollicitant et interprétant de très nombreux témoignages, y compris ceux de l’intéressé lui-même dans ses écrits et surtout dans ses Mémoires de Guerre et Mémoires d’Espoir. À vrai dire, ce dernier exercice n’était pas de nature à faciliter sa tâche puisque l’on sait que le Général prenait souvent des libertés avec la vérité historique et savait admirablement bien, et parfois non sans malice, « retailler » les événements « à ses mesures ».
Quoi qu’il en soit, et en conclusion, l’auteur se refuse à reconnaître aux idées du général de Gaulle une particulière, profonde et fondamentale singularité. Par contre, il se montre extrêmement sensible à ce qu’il appelle le ton « de ce personnage hors du commun, un personnage tout a fait étrange, qui s’appelait Charles de Gaulle et dont le style est certainement plus original que la doctrine ». ♦